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l'imagination au pouvoir
5 décembre 2018

un petit conte...

La reine au pied cassé.

 

            « Il était une fois une reine au pied cassé. » Elle régentait un petit royaume en attendant la majorité de son neveu. Elle était aimée de tout son peuple, qui ne lui reprochait qu’une chose : ne pas être mariée. Pourtant la reine, assez jeune, avait un physique agréable, mais elle boîtait à cause de son pied disgracieux. Pendant longtemps elle s’était déplacée avec une canne, mais personne ne voulait d’une reine avec une canne. Elle avait donc fini par s’en passer en prenant de l’âge, ce qui accentuait son handicap. Son neveu ne cessait de s’en moquer, mais la reine avait pris l’habitude de ne plus l’entendre. Seule sa sœur aurait su le sermonner, mais celle-ci était toujours en voyage.

 

            Enfin le jeune roi eut dix-huit ans. Pour cela, la reine organisa une grande fête. Elle espérait aussi rencontrer quelque prince à épouser. Elle revêtit donc ses plus beaux atours et arrangea sa coiffure comme elle savait si bien le faire. Quand elle parut au balcon, ce ne fut qu’acclamations. Mais au même moment, sa sœur rentrait opportunément de voyage. Elle était plus jeune que la reine et parut, toute fraîche, en tenue de voyage.

-          Vive la reine-mère !

-          Vive le roi !

La sœur de la reine avait l’avantage d’être dans la foule, et on se pressait autour d’elle, on l’embrassait. La joie était à son comble,  et on ne regardait plus l’ancienne régente. Blessée dans son amour-propre, celle-ci se fit discrète alors que sa sœur parlait haut, complimentait son fils qui, heureux de la voir, lui parlait beaucoup. A l’issue de la cérémonie, la reine disparut dans ses appartements. Sa couronne était perdue et tout espoir de rencontre était terminé. Elle pensa d’abord se tuer, mais finalement, changeant d’idée., revêtit un costume de voyage, fit sa petite valise et alla à la diligence qui avait amené sa sœur.

-          Menez-moi n’importe où mais loin, dit-elle.

-          Votre sœur était en Espagne. Ça vous va ?

-          Très bien.

C’était parti, et quelques temps plus tard, la reine déchue était à Barcelone.

 

 Elle visita la ville, prit du bon temps, mais marcha trop. Elle dut s’acheter une canne. Ce soir-là, elle revint clopin-clopant à l’auberge.

-          Oh, madame, » lui dit son chauffeur, » je commence à connaître le pays, et peut-être pourrais-je vous être utile. »

-          En quoi, mon brave ?

-          En vous débarrassant de votre pied cassé.

-          Mon cher, j’aime mieux avoir un pied cassé, que pas de pied du tout.

-          Vous n’y êtes pas, madame. Je connais une sorcière qui peut vous rendre votre pied d’origine.

-          Ça ne résoudra pas mon problème. Je suis toujours seule.

-          Vous ne voulez pas ?

-          On peut toujours se promener de ce côté-là. Je ne refuse pas une balade.

 

 

Ils s’y rendirent donc le lendemain. La campagne était si belle, que la reine voulut arrêter la diligence pour aller à pied, toujours aidée de sa canne. Une rivière les arrêta bientôt dans leur progression. Il n’y avait de pont nulle part, alors le chauffeur prit la reine dans ses bras, et franchit la rivière, se mouillant jusqu’à la taille. Puis il dut s’arrêter, car il éternuait. La reine avait toujours un petit nécessaire avec elle, et elle lui donna un médicament contre le rhume. Mais avant de continuer, par prudence le chauffeur fit sécher son pantalon au soleil, et en attendant, piqua un petit somme dans l’herbe. Un petit somme plutôt long d’ailleurs. Pour finir la reine s’impatienta, et décida de continuer seule. Bientôt une forêt se dressa. Mais la reine ne se laissa pas impressionner. Elle sortit une dague de sa jarretière, et se fraya un chemin dans les herbes. Elle chemina longtemps, si bien qu’elle ne vit pas le soleil se coucher. Ses vêtements étaient arrachés, son pied lui faisait mal et elle était fatiguée. Elle se coucha sur un lit d’herbes, où son chauffeur la trouva le lendemain matin.

- Eh bien vous allez loin, malgré votre pied !

La reine déchue rougit. Ses vêtements arrachés découvraient sa taille fine et des mollets effilés, si l’on faisait abstraction du pied cassé. Elle laissa son chauffeur la relever.

-          Je me suis rarement autant amusée, » fit-elle. «  Je n’ai jamais fait que gouverner. »

Ça fit rire le chauffeur, et ils continuèrent à travers la forêt. C’était lui qui éclaircissait le chemin. La forêt conduisait à une montagne où il y avait plusieurs cavernes. Sans hésiter, le chauffeur entra dans la plus grande, suivi de la reine.

-          Entrez, entrez !

Une vieille sorcière d’aspect repoussant les accueillit.

-          Je vous en prie, votre Majesté. Que désirez-vous ? Comment va votre sœur ?

-          Ma sœur est en pleine forme et moi, je voudrais me marier et avoir des enfants  avant qu’il ne soit trop tard.

Le chauffeur fut surpris de cette réponse.

-          Mais, Majesté…

-          Il suffit, lui intima la reine, et il se tint coi.

-          Majesté, les hommes n’ont rien valu à mademoiselle votre sœur, et elle s’occupe peu de son fils.

-          Et alors ? Je l’ai élevé et, que je sache, je ne suis pas une mauvaise tante.

-          Non, vous êtes la bonté même », reconnut la sorcière. « Mais il vous faut un homme exceptionnel. »

-          Je n’en demande pas tant.

-          En sortant d’ici, entrez dans une autre des cavernes et appelez « mi hombre ! » le plus fort que vous pourrez. Mais auparavant, il faut que vous caressiez mes rides.

La reine se pencha doucement vers la sorcière et obéit.

-          Pauvre vieille dame » dit-elle. « Vous avez dû être belle. »

-          Votre pied aussi a été beau.

-          C’est du passé.

-          C’est bien, Majesté. Vous pouvez aller chercher votre hombre.

-          Merci madame.

Et la sorcière les regarda sortir en souriant. Le chauffeur regardait le bout de ses chaussures, un peu vexé.

-          Vous êtes quand même de bon conseil. Choisissez pour moi l’une de ces petites cavernes. » Le chauffeur hésita. « Je m’en remets à vous. »

Il choisit enfin une ouverture moyenne, la désigna à la reine, qui s’y engouffra. Elle entra jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus passer et appela du plus fort qu’elle put « mi hombre ! » Il y eut aussitôt un bruit de course, et enfin arriva devant elle un homme de son âge, mais avec une longue balafre sur la figure. Tous deux se regardèrent, puis l’homme lui dit « merci », la prit par le bras et ils sortirent de la caverne. Là, il la regarda.

-          Vous êtes très belle, mais tête-en–l’air. Vous auriez dû demander une nouvelle tenue à la sorcière.

-          Pour retraverser la forêt ? Vous êtes fou, mon ami. Je ne vais pas y déchirer toutes mes robes, et nous avons du chemin avant de rentrer chez moi.

-          Vous voulez déjà rentrer chez vous ? Je peux vous mener à mon royaume.

-          J’ai une revanche à prendre sur le peuple de mon neveu. Votre balafre vous va à merveille, et s’assortit tout à fait à mon pied.

-          Votre pied ? Je n’ai rien vu.

La reine s’assit et se déchaussa, découvrant son pied cassé orné d’une grande cicatrice. Il regarda, caressa le pied et tous deux se regardèrent.

-          Madame, je ne sais qui vous êtes, mais je crois que je vous aime.

La reine se présenta donc, et lui en fit autant : c’était un ancien prince de Galice, que la sorcière avait jadis sauvé. La conclusion s’imposa d’elle-même :

-          Nous rentrons chez vous et je vous épouse.

 

Et ce qui était dit fut fait. A peine la reine était-elle rentrée chez elle, qu’elle trouva sa sœur et son peuple en liesse. Le royaume était bien gouverné, et la sœur de l’ancienne reine accueillit avec joie son futur beau-frère. Ce fut une grande joie le jour du mariage, et puis… ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

 

Claire M. 2001

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