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l'imagination au pouvoir
17 juin 2020

une recherche de trésor moderne...

La trouvaille.

 

                                   « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »

                                                                                              (M. Twain)

 

-          C’est trop bien, papa ! J’adore me promener ici avec toi !

-          Allez, cours, fiston ! Tu as plein de place, tu vois, les foins ont été coupés !

Axel ne se le fit pas dire deux fois, et piqua un sprint, allant droit devant lui, vers le soleil. Puis il revint vers son père de la même façon, ravi, et fit quelques pirouettes dans le foin en riant.

-          Ça ne te pique pas sous la culotte ?! s’amusa Benoît en le voyant, sans lâcher son détecteur de métaux, et Axel rit aux éclats, en l’entendant.

-          Non ! Et alors, tu trouves un trésor ? Ça ne va pas vite, papa !!

-          Si tu veux trouver des trésors, ça demande du temps, Axel. Et je ne vois guère cela qu’en bordure de champ, pour ça. Le reste est cultivé, alors le propriétaire a dû le trouver avant nous, s’il y en a un…

-          Et moi, je ne peux pas chercher ?

-          Si tu t’en sens la patience, je te prête un aimant, ce sera plus à ta portée.

-          Qu’est-ce que c’est, un aimant, papa ?

-          C’est un élément qui attire le fer. Et on fait beaucoup d’objets en fer. Tu peux chercher l’aiguille dans une botte de foin, ajouta Benoît malicieusement, tout en regardant les bottes non loin de là.

-          Mais ça ne ressemble pas à des bottes ! fit Axel, surpris.

-          C’est vrai, mais c’est comme ça qu’on les appelle. Tu veux ?

-          Oh oui !

-          Un instant.

Benoît arrêta son détecteur pour fouiller dans ses poches, et trouva son aimant, qui pouvait tenir dans la main d’un enfant, à condition d’être pris correctement. Axel regarda l’objet, fasciné.

-          Pourquoi appelle-t-on ça un aimant, papa ?

Benoît ébouriffa encore un peu plus la chevelure brune de son fils, s’amusant de son nez en l’air et de son étonnement.

-          Je ne sais pas. Je regarderai dans le dictionnaire en rentrant, si tu veux. Mais tu vois, ce sont les bouts rouges, qui attirent le fer. Il faut donc tenir l’aimant de l’autre côté. Tiens, prends-le.

-          Merci, papa !

-          Tu le promèneras sur les bottes de foin. Mais fais attention, même si de toute façon, maman t’enverra direct sous la douche, en rentrant… Allez, file !

Axel courut à la première botte, et en fit le tour aimant à la main, frôlant le foin. Bien entendu, il ne trouva rien, mais il ne se découragea pas. Il alla droit à la botte suivante, quelques mètres plus loin, fit de même puis s’enhardit, et monta dessus. Là, il se mit à califourchon, s’amusant comme un petit fou. L’aimant ne trouvait toujours rien. Axel fit donc une troisième botte, sans succès. Après la quatrième botte, un peu déçu, il s’allongea par terre. Cela le chatouillait dans le cou, il aimait beaucoup cette sensation, alors il se roula dans le foin, ravi. Puis il tenta une cinquième, une sixième botte. Il redescendit de cette dernière, perdit un peu l’équilibre, et tomba assis par terre, éclatant de rire. Cette fois, il s’allongea sur le ventre, toujours sans lâcher l’aimant. Et là, clong ! il trouva quelque chose.

-          Super ! s’exclama-t-il, et il brandit son aimant.

Une grosse aiguille émoussée s’était fichée sur les extrémités, et Axel la récupéra, puis courut à son père.

-          Papa ! Je l’ai trouvée, l’aiguille dans le foin !

Benoît leva le nez en riant, avisa l’objet. De saisissement, il sursauta, alors il éteignit de nouveau son détecteur de métaux.

-          Mais c’est ma foi vrai ! Alors là, tu m’en bouches un coin, fiston !

Axel était tout fier de sa trouvaille. Quant à Benoît, il regarda de tous côtés. Sur leur gauche, il y avait quelques maisons, pas beaucoup. Il se dirigea vers la plus proche, comme il en distinguait le jardin, au milieu des arbres, puis il mit sa main en visière pour mieux voir. Dans cet endroit, entre deux arbres, il y avait un hamac, avec manifestement quelqu’un dedans. Il s’approcha encore, en expliquant à son fils qu’ils ne pouvaient prendre le bien d’autrui, qu’il fallait d’abord vérifier que l’aiguille n’appartenait à personne. Dans le hamac de ce jardin,  quelqu’un avec de fortes rotondités tenait un grand verre à la main, qui semblait fumer. Si Benoît ne se trompait pas sur la localisation des rotondités, c’était une dame. Il appela donc :

-          Madame ! Madame, excusez-nous !

Mais la dame ne réagit pas.

-          Attention, papa ! fit Axel en voyant Benoît sur le point de poser le pied dans de l’eau croupie, et en même temps, une grenouille y coassa.

Benoît fit aussitôt un pas en arrière.

-          Bon, viens Axel, on va faire le tour et sonner chez cette dame, décida-t-il, et ils tournèrent un peu plus loin.

Sur le petit chemin qui menait à la rue, Benoît et Axel croisèrent des promeneurs, se poussèrent.

-          Oh, merci monsieur, vous êtes gentil, fit une charmante petite vieille dame tenant un panier rempli de fruits.

Axel le regarda, gourmand.

-          De rien madame. Axel, voyons !

-          Oh, tu veux une poire, petit ?!

-          Je ne suis pas petit, j’ai huit ans ! déclara fièrement le garçonnet. Et je m’appelle Axel.

-          Vous n’êtes pas du quartier, comprit l’homme qui accompagnait la dame.

-          Non, c’est vrai, reconnut Benoît. En fait, mon fils a trouvé un drôle d’objet dans le champ, là derrière cette maison, et je veux vérifier que cet objet n’appartient à personne.

-          La maison de madame Mouche ? Mon Dieu ! s’alarma la petite vieille dame.

Sa réaction surprit Benoît et Axel.

-          Pourquoi, ça a quelque chose d’incongru ? demanda Benoît.

-          C’est-à-dire qu’elle n’est pas commode, s’expliqua la vieille dame. Elle vit seule avec son chat noir, et est assez désagréable avec nous qui sommes du quartier. Beaucoup l’évitent.

-          Qu’est-ce que vous avez contre les chats noirs ? se rebiffa Axel. Ils sont si fascinants…

-          Ah, si tu aimes les animaux, peut-être…

-          Vous dites qu’elle s’appelle madame Mouche ? fit Benoît quant à lui.

-          Oui. Tiens Axel, prends ce qui te plaît dans mon panier, tu en meurs d’envie.

-          Vous êtes très gentille, madame, mais… commença Benoît.

-          Nous les avons cueillis dans les arbres ici. Ces fruits sont à tout le monde.

-          S’il te plaît, papa !

-          Bon, d’accord. Et tu dis merci à la dame !

La petite dame et son mari étaient charmés, et reprirent leur promenade après qu’Axel eut choisi une pomme. Mais Benoît lui dit d’attendre d’avoir vu madame Mouche pour la manger, que ce n’était pas poli de parler la bouche pleine.

-          Et si c’est à elle, c’est toi qui lui donneras l’aiguille. D’accord ?

-          Oui papa.

-          Mon Dieu, tu as du foin partout…

Mais Benoît était le premier charmé par la bonne bouille de son fils…

-          Allez, ça ira quand même…

Sortant du petit chemin qui débouchait sur la rue, il secoua ses baskets, et s’avisa que le bas de son pantalon ne valait guère mieux que le bermuda de son fils. Il essaya de lisser ses cheveux clairs, sans lâcher le détecteur de métaux.

-          Vous revenez d’expédition, monsieur le chercheur de trésors ? fit une voix d’homme.

C’était un adolescent, et Benoît décida de le prendre à la rigolade.

-          Je suis bredouille ! J’ai juste trouvé une vieille aiguille… dans une botte de foin !

L’adolescent éclata de rire.

-          Excellent ! fit-il.

-          Non, c’est moi qui l’ai trouvée ! rétorqua Axel sans comprendre.

-          Oui, et on va le donner à une sorcière ! répartit Benoît, riant toujours.

-          Ah, madame Mouche ! Je vous souhaite bonne chance, alors, messieurs !

Et l’adolescent se remit à marcher, mains dans les poches, pour aller vers le petit chemin lui aussi. Mais le père et le fils se regardèrent.

-          Allons, elle est si méchante que ça, cette dame ?! fit Benoît, quelque peu étonné.

Puis ils firent quelques mètres, et trouvèrent l’entrée de la maison de madame Mouche. Axel était tout excité par l’aventure.

-          Je peux sonner, dis, papa ?

Benoît le laissa faire, et Axel sonna une première fois. Après quelques secondes d’attente, il réessaya. Enfin, la porte s’ouvrit sur une grosse dame à l’air ravagé, le nez rouge, des rides précoces, des fils blancs dans sa chevelure noire. Ses ongles étaient sales, et elle était entièrement vêtue de noir.

-          Qui êtes-vous ? demanda-t-elle sur un ton rogue. Vous voulez me vendre des tondeuses à gazon ?

-          Bonjour madame, dit gentiment Benoît. Mon fils, que voici, a trouvé quelque chose dans le champ derrière chez vous, et…

-          Aaah ! Papa ! s’écria tout à coup Axel, alors que quelque chose de noir lui sautait dessus toutes griffes dehors.

-          Méphisto ! gronda madame Mouche.

-          Mrâou !

Le chat était arrivé si vite, que Benoît n’avait rien senti venir non plus.

-          Ne pleure pas ! lança madame Mouche à Axel. Ah ! Je déteste les gamins ! ajouta-t-elle à part elle.

Surpris, Axel se laissa faire, et elle récupéra son chat. Pour un peu, le garçonnet en aurait oublié l’aiguille dans sa poche.

-          Nous sommes désolés de vous déranger, déclara Benoît. Je n’ai rien à vendre, j’ai seulement… je voudrais savoir si le champ derrière chez vous vous appartient. Auquel cas, ce que mon fils y a trouvé vous reviendra.

Madame Mouche fronça les sourcils.

-          De quoi s’agit-il ?

A peine remis de sa frayeur, Axel s’approcha, tirant l’aiguille de sa poche.

-          C’est une vieille aiguille, madame, dit-il.

-          C’était juste à  la limite de votre jardin, à ce qu’il me semble, expliqua encore Benoît.

-          Oh !

Les yeux éteints de madame Mouche s’étaient mis à briller.

-          Le terrain vous appartient ?

-          Non, mais… vous avez fait une découverte inestimable ! répondit madame Mouche. Je croyais cette aiguille disparue à jamais ! Entrez donc !

Benoît regarda son fils, le prit par la main, et obéit, heureux de faire une bonne action.

-          Je vous en prie, asseyez-vous, dit encore madame Mouche. Que veux-tu boire, petit ? Ton papa et moi boirons du cidre... si ça vous va, monsieur.

-          Je vous remercie, ça me va très bien, mais… je n’en demandais pas tant.  

-          Vous n’imaginez pas le service que vous me rendez. J’y tiens. Veux-tu un petit cocktail à ma façon, petit ? Il n’y aura pas d’alcool dedans. Après, tu me donneras l’aiguille, mais j’aurai quelque chose à te demander d’abord.

-          D’accord madame, merci. Et je m’appelle Axel.

Madame Mouche ébaucha un sourire, n’osant pas montrer l’état de sa dentition, puis disparut. Elle revint avec trois verres, et un cake coupé en tranches.

-          Eh bien Axel, tout le monde a pensé à ton goûter ! s’amusa Benoît, et le petit se reprit, après un coup d’œil craintif à Méphisto.

-          Merci madame, dit-il quand madame Mouche lui donna son verre et une tranche de cake.

Benoît souriait.

-          Mange, Axel, dit madame Mouche. Et appelle-moi Mélanie.

Mais, en bon petit garçon poli, Axel attendit pour manger que tout le monde soit servi. Alors il se jeta sur son cake, dont il ne laissa rien, car cette sortie avec son père lui avait réellement creusé l’appétit. Puis il fit comme les grands, et but son cocktail, au goût de fruits, qu’il jugea délicieux.

-          Attends, avant de finir ton verre, Axel. Je t’ai dit que je voulais te demander quelque chose, et après ça, tu auras sûrement besoin de boire un coup. Est-ce que tu veux bien te lever, et te mettre en garde avec l’aiguille ? Tu seras mon petit mousquetaire !

-          Qu’est-ce que c’est, un mousquetaire, Mélanie ?

-          C’est un homme qui tient l’épée.

-          Tu sais fiston, comme tu fais avec ton cousin Gaétan, avec vos sabres laser !

-          Oh, cool ! Oui Mélanie !

Et Axel se leva d’un bond.

-          Mais attends-moi, je reviens.

Ce fut l’affaire d’un instant. Mélanie Mouche revint avec une aiguille de crochet.

-          Tiens, jouons. Je crois que tu as besoin de te dépenser, Axel ! Allez, je suis Milady, touche-moi là, dans le gras du ventre, si tu peux !

Axel regarda son père, qui était aussi surpris que lui, puis Mélanie.

-          T’es pas chiche ? Attention, sinon je te mange pour mon dîner !! fit cette dernière, alors Axel se décida, allongea l’aiguille.

Mais Benoît comprit vite mieux la manœuvre que son galopin de fils, car il voyait bien que madame Mouche esquivait à peine, et il en fut très étonné. De plus, les mises en garde des promeneurs semblaient complètement erronées. Mais Axel se prenait au jeu, riait, jusqu’à ce que Mélanie fonce droit sur lui et sur l’aiguille. Alors Benoît ne put s’empêcher de fermer les yeux, tandis qu’Axel cherchait à éviter le coup de l’instrument à crocheter la laine, dont il ignorait totalement l’usage. Et tout à coup…

-          Hourra ! s’écria une voix juvénile.

Benoît rouvrit les yeux, et Axel, qui était tombé à terre, se releva.

-          Merci, petit ! s’exclama une jolie petite dame aux cheveux entièrement noirs, au teint frais et le nez rose, mais indubitablement avec les traits de Mélanie Mouche. Tu as retrouvé mon aiguille, tu as été formidable, mon petit mousquetaire !

Axel rosit, et Benoît éprouva le besoin de vider son verre. Mélanie se releva, et embrassa le petit garçon sur les deux joues.

-          Mon fils est un pro du sabre laser… commenta Benoît. Mais où est passée madame Mouche ?

-          C’est moi, monsieur. Je vais vous récompenser pour vos bonnes actions à tous les deux.

Et madame Mouche partit dans une autre pièce, dans sa jupe rouge virevoltante et sa chemise joliment décolletée.

 

Benoît et Axel ressortirent de là vêtus comme des princes, et avec une mallette contenant un véritable petit trésor, que Benoît sut gérer. Il n’avait plus besoin d’un détecteur de métaux et le revendit, mais garda précieusement l’aimant, dans la table de nuit d’Axel.

 

Quant à Mélanie Mouche, à peine ses visiteurs furent-ils sortis de chez elle, qu’on sonnait de nouveau à sa porte.

-          Mon petit génie ! s’exclama-t-elle, sautant au cou de l’arrivant. Que dirais-tu de repartir sur les routes ensemble, et de faire enfin notre vie tous les deux ?

L'homme avait les traits d’Axel, ce qui la frappa.

-          Tu as changé… Depuis quand ne nous sommes-nous pas vus ? demanda Mélanie.

-          Ça doit faire au moins quelques décennies, mon amour. Si ce n’est plus…

Et il serra la petite fée dans ses bras.

 

© Claire M., 2020

 

 

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