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l'imagination au pouvoir
1 mars 2021

Conarovirils, 2° épisode

 Voir clair.

 

Julien Moret ne savait pas trop à quoi s’attendre, avec les directives données par le ministère de l’Intérieur qu’il avait étudiées  plus en détail la veille. Il arriva au commissariat les cheveux en pétard, essayant de ne pas grimacer. Sa femme avait prétendu, ce matin-là, que le masque était inutile, et ils s’étaient disputés. Julien Moret en avait oublié son café et, évidemment, n’avait pas de dosette pour en boire un au commissariat. Et si en plus il fallait apporter aussi la tasse et le sucre… D’un air morne, il but de l’eau dans sa petite bouteille, et se vit reprocher son manque de conscience écologique.

-          La gourde, Moret ! Les bouteilles, tout ce qui est en plastique polluent ! lui fit le brigadier Biette, un quadragénaire aux traits accusés.

-          Oui, brigadier…

Et Julien soupira, se disant que le chat de ce dernier devait être plus sympa que son maitre… il admirait encore sa photo au-dessus de l’aquarium.

-          Ah ! Charlot vous a repéré ! remarqua Biette.

Julien admira le petit poisson, aux tons gris-bleu, et parvint enfin à sourire. Il revêtit sa tenue, et on lui adjoignit un collègue d’une dizaine d’années de plus que lui qui était en train d’en faire autant. Un homme athlétique, visiblement adepte de la gonflette, qu’on surnommait « Schwartzie » mais qui s’appelait en réalité Adrien Gras. Après s’être présenté, il ajouta aussitôt :

-          Mais jamais de  »monsieur Gras » avec moi ! Appelez-moi plutôt par mon prénom… Je le préfère à mon surnom…

-          Bien mons… euh, Adrien.

-          Dites donc, y a intérêt à être bien réveillé, quand on est flic !

Julien préféra ne pas répondre, et se le tint pour dit. Les deux hommes sortirent du commissariat avec la tenue réglementaire, et bien sûr leurs masques contre le coronavirus.

-          Je sais, ça manque d’humanité, commenta Adrien, mais nous devons le porter, tous sans exception.

-          Oui… par où va-t-on ?

-          Vers le centre, là où il y a des rues passantes. Mais ça n’empêche pas d’avoir l’œil même dans les rues qui le sont moins.

-          Oui, ouvrir l’œil, et le bon…

-          Je vois que vous connaissez vos classiques…

-          Les Dupondt me faisaient beaucoup rire.

-          Moi aussi, avoua Adrien. Par ici. Et ne marchez pas trop vite.

Le premier cas fut raté : en les voyant arriver, un jeune des cités se hâta de mettre son masque, et Adrien râla et le réprimanda, mais ne put rien faire d’autre.  

-          Il faudrait être en civil, bougonna-t-il après ça.

-          Mais il n’y a pas que les masques… rappela Julien. Il faudrait aussi vérifier les sacs. Pendant ce confinement, je suis sûr qu’il y a des gens qui ont des choses non-essentielles dans leurs affaires… Regardez ce type, là-bas… Qu’est-ce qu’il trimballe, de si lourd, de l’alcool ?

-          Où ça ?

-          Devant l’opticien…

Les deux hommes se regardèrent, et tombèrent d’accord. Ils se dirigèrent vers celui qu’ils considéraient déjà comme un contrevenant. Ce fut Adrien Gras qui parla.

-          Ah mais le contenu de mon sac est absolument essentiel ! se récria le péquin.

-          Ah bon ? Quelque chose de si lourd ? Un télescope, peut-être ? ironisa Adrien.

-          Cette optique est un point relais. Ce sont des cahiers, des stylos, mais peut-être est-ce le papier pour imprimante, qui vous gêne ?

-          Vous êtes prof ? demanda Julien.

-          Non, écrivain. J’ai besoin de tout cela.

-          Voyons Julien, les écoles sont fermées…

Pour autant, l’écrivain ne s’énerva pas.

-          Les livres ne sont pas considérés comme essentiels, déclara encore Julien.

-          Faites attention, on ne me parle pas ainsi ! Vous sous-entendez que  mon métier n’est pas essentiel ! Je ne suis peut-être qu’un freluquet, à côté de votre collègue aux gros bras, mais vous ne pouvez pas empêcher les écrivains d’écrire ! Lénine a dit « les mots sont des armes » !

Julien ne comprenait rien.

-          Mais… commença Adrien.

-          Qui était Lénine ?

-          Vous voyez, que vous n’avez rien écouté à l’école ! La liberté d’expression existe encore, messieurs ! Bien le bonjour !

Et l’écrivain saisit son sac et repartit, très digne.

-          Julien, vous n’êtes qu’un sacré connard…

L’interpellé ne souffla plus mot de la matinée…

 

A suivre…

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