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l'imagination au pouvoir
9 mai 2024

Arts vénitiens

Par ce beau jour de début d’été, Guido allait, les mains dans les poches, là où le portaient ses pas, c’est-à-dire vers la Riva degli schiavoni, qui menait jusqu’à la Piazza San Marco. Il avait ressenti le besoin de se changer d’air, le ciel était clair, le vent avait chassé les nuages. Guido essayait de se tenir à distance des touristes, de toute façon beaucoup moins nombreux depuis qu’une pandémie s’était abattue sur le monde. Lui, il respirait. Il allait sans se presser, ne cherchant rien d’autre qu’un contact avec sa ville, Venise, qu’il appréciait d’autant plus en cette période relativement calme. Au-dessus de lui, il entendait enfin les cris des mouettes, passa non loin de l’endroit où des gondoles plus ou moins abandonnées attendaient les jeunes touristes romantiques. Guido se mit à sourire, et tourna vers la piazza San Marco, indécis. Vers où allait-il se diriger ? Il eut un soupir de bien-être, alla s’adosser  à une colonne du Palais des Doges, du côté du canal pour mieux profiter de la vue. Les mouettes et les pigeons volaient, deux ou trois chats passèrent, puis une dame sortant son chien, du genre petit hargneux. Guido ne disait rien, toujours les mains dans les poches, et souriait sous son masque.

Et puis, comme il arrive souvent, les plumes d’oiseaux volaient, et une belle plume blanche vint effleurer son nez. Alors Guido l’attrapa au vol, avec un « oh ! » expressif. Il la tourna entre ses doigts, regarda en l’air, mais la mouette à qui la plume avait appartenu était déjà loin…

  • Magnifique, murmura-t-il en la regardant sous tous les angles, et il remarqua quelque chose. Et si… ?

Il avait vu là, tout à coup, comme un réservoir fait pour de l’encre. Or il aimait l’écriture, les objets d’écriture, à défaut d’être un véritable écrivain. Car il était commissaire-priseur et, de ce fait, maniait davantage les chiffres, que les lettres. Mais il aimait l’art sous toutes ses formes, et la calligraphie aussi en était un, pour lui. Il tourna encore la plume dans sa main, hésita. Rentrer tout de suite et bricoler, ou continuer sa promenade pour profiter d’une certaine quiétude ? Il réfléchit que ses enfants étaient grands, l’aîné avait vingt-deux ans, et sa cadette dix-neuf. Sa femme, Luigia, était une véritable fée du logis, la vraie mamma, et épouse, à l’italienne. Alors Guido eut encore un sourire, en pensant aux siens, et rebroussa chemin pour rentrer chez lui, tenant toujours la plume, délicatement, dans sa main.

  • Tu es déjà là, mon Guido ?
  • J’ai fait une trouvaille… Je me suis souvenu de mon enfance, quand mon père m’initiait à la belle écriture et à ses objets… Vois un peu ça !

Luigia regarda son mari, puis la plume, et l’embrassa sur le nez.

  • Elle est belle ! Et je crois que je sais ce que tu vas en faire…

Tous deux échangèrent des sourires.

  • Tu lis en moi comme dans un livre ouvert…
  • Et tu m’écriras une petite poésie ?
  • Oh, oui, ma chérie. Mais d’abord, il faut que je retrouve de l’encre… Tu es seule ?
  • Oui. Aurora m’a lâchée, pour retrouver ses amies… alors je t’attendais.

Guido caressa la joue encore toute fraîche de sa femme, s’excusa, mais elle ne lui en voulut pas. Simplement, elle le regarda faire, en silence, qui entaillait la plume de mouette. Il s’aperçut qu’il savait encore le faire, ce qui le réjouit. Et, oui, il essaierait d’écrire une jolie petite poésie pour Luigia, encore si fraîche malgré ses cinquante-et-un ans, et quelques petites mèches grises. Il la trouvait toujours aussi belle, mais pour l’heure, il se concentrait sur sa tâche.

Enfin, sa plume fut prête, et il fit un premier essai, en écrivant candidement : « Ma Luigia est la plus belle », pour le lui montrer. Et elle, elle eut un « ça marche ! », et se leva pour l’embrasser.

  • Et toi,  tu es le meilleur, ajouta-t-elle.
  • Oh, merci, fit Guido, glissant un bras autour de la taille de Luigia. Mais si tu permets, il faut que ma poésie mature. En attendant, je vais écrire, et voir ce qu’il en sort.
  • Alors je vais te laisser. Puisque Paolo vient ce soir avec sa copine, je vais faire un gâteau.
  • Oh, quelle bonne idée !

Luigia eut un petit rire, l’embrassa encore, sur son crâne chauve, manquant faire tomber les lunettes de son mari.

  • Ecris bien.
  • Et toi, cuisine bien… Merci d’avance !

Luigia quitta la pièce en riant. Guido remit le bout de sa plume dans l’encre noire, la promena sur une page, appuyant sur un buvard de l’autre main pour ne pas en mettre partout. Il calligraphia son nom et celui de sa femme, « Guido et Luigia Malvestito », et écrivit une capacité qu’ils avaient en commun, pour voir ce que cela faisait, et le résultat le fit rire. Il se disait que c’était le ciel qui le faisait écrire… Il écrivit quelques remarques dans ce sens, qui se voulaient spirituelles, puis s’arrêta. La poésie serait pour plus tard. Il se tourna vers sa bibliothèque, et la parcourut, à la recherche des livres de son père, qu’il avait perdu quelques années plus tôt et dont il avait hérité. Comme il aimait lui aussi les choses anciennes, et particulièrement les livres, il avait tout naturellement hérité de la bibliothèque, tandis que ses sœurs s’étaient partagé le reste. A vrai dire, Guido avait un tempérament de collectionneur. Luigia l’avait laissé s’aménager une pièce exprès pour lui, lors du déménagement qui avait suivi le décès de son beau-père. Et Guido aimait aller là, avait obtenu le droit de faire le ménage lui-même, c’est-à-dire sporadiquement... Et, les doigts dans la poussière, il trouva ce qu’il y cherchait : un manuel de calligraphie. Il s’abîma dans son fauteuil avec le livre, et en resta là pour le moment.

Mais Guido était un homme de parole. Le lendemain matin, qui était un dimanche, il retourna à sa table avec l’idée d’écrire la poésie promise, avec la belle plume bricolée par ses soins. Il  n’était pas très inspiré, écrivit « brise marine, regard d’outre-mer », puis cala. Il pensait à Luigia, toujours occupée dans sa cuisine en prévision d’un repas de famille, et se mit à rêver. Sans qu’il s’en rende compte, la plume se mit en mouvement sur la feuille de papier, et tout à coup, il eut conscience qu’il était en train d’écrire, mais quoi ? Il voulut relire le début, c’était de la prose et il était très étonné.

  • Mais c’est de la poésie, que je veux écrire ! C’est quoi, ce salmigondis ?! s’exclama-t-il.

Et il parcourut les lignes qu’il venait d’écrire : « Droit vers l’ange… », « En passant par la piazza San Marco… », « Célèbre ta consécration… »

  • C’est du n’importe quoi, soupira Guido en se renversant sur sa chaise. Ça n’ira jamais, pour ma Gina. Je suis vraiment un… écrivain… raté. Pfff !

Il se massa le front, fit encore pour lui-même :

  • Pourtant, cette plume est si belle ! J’aurais cru qu’elle m’inspirerait… Elle sera pour mon petit musée personnel, voilà !

Et il la prit et allait se lever pour la ranger, quand il eut un mouvement incontrôlé et incontrôlable qui le contraignit à écrire : « Fais-le ! Sors sous les pigeons ! » Puis il reposa la plume à côté de la feuille, et respira. Son cœur battait à tout rompre, à présent.

  • Mais faire quoi ?

Il se relut en s’agrippant à son bureau. Et la réponse lui vint : il devait sortir. Prendre l’air. Justement, le soleil brillait, dehors. Guido regarda sa montre : à peine dix heures. Ses beaux-parents ne seraient pas là avant treize heures, aussi avait-il le temps. Il se reprit, comptant bien profiter de la matinée, et alla voir Luigia.

  • Je vais chercher l’inspiration dehors.
  • Comme tu veux, mon chéri. Mais ne reviens pas trop tard.
  • Oui, d’accord.
  • Et ne prends pas de chapeau, il y a du vent…

Guido sourit, obéit, dans l’idée qu’il serait vite rentré, le temps de faire quelques pas, et de respirer malgré le masque. « On pourrait tous se déguiser », disait-il depuis le début de la pandémie, ce qui faisait rire les siens. Il se détendit donc, et refit le chemin de la veille, devinant qu’il devait passer par la piazza San Marco. En effet, le vent soufflait, faisant claquer le linge qui séchait à beaucoup de fenêtres, mais cela ne le gênait pas tant que cela. Venise, un dimanche matin lors d’une pandémie, révélait encore plus ses beautés, ses belles couleurs. Guido entendait les oiseaux, le clapotis de l’eau des petits canaux, le souffle du vent. Il arrivait, tout doucement,  à la piazza San Marco, sous les roucoulements des pigeons, qui reprenaient du terrain, les cris des mouettes. Alors qu’il s’engageait sur la piazzetta San Marco, qui donnait sur la grande Place, le vent le poussa presque. Il en eut un « mamma mia ! » sonore, manqua trébucher sur un chat qui passait comme une flèche. Il se reprit, alors qu’une petite dame à l’accent napolitain s’inquiétait de savoir si ça allait.

  • Oui, je vous remercie.

Et Guido traversa la piazza San Marco presqu’en courant. Au-dessus de lui, il y eut comme un frou-frou dans le ciel, mais il s’en rendit à peine compte. Il passa derrière la Tour de l’horloge, quelque peu déconfit, avec l’idée de rentrer chez lui en passant par derrière. Mais alors, il eut l’impression d’être sous la neige, dut fermer les yeux, puis les rouvrit.

  • Mais nom d’une pipe, ce sont des plumes !

Il en avait partout, sur ses lunettes, ses épaules, ses pieds… Et les plumes lui volaient autour, comme si elles voulaient l’ensevelir vivant. Mais une fois la surprise passée, Guido trouva la chose assez drôle, et eut envie de toutes les ramasser, pour les ramener chez lui afin qu’elles l’inspirent. Il prit cela pour un jeu, et se mit donc en devoir de les ramasser, autant qu’il le pouvait, en essayant de ne pas endommager toutes ces jolies plumes. Et il rentra chez lui ainsi.

  • Mais c’est un ange, qui revient ! s’exclama Luigia en le voyant, mi-amusée, mi-choquée. Tu vas en mettre partout !
  • Alors je vais dans ma grotte.

Et pour tout le reste de la matinée, il passa du temps dans son bureau, à lisser toutes ces plumes afin de les rendre présentables et ainsi les ranger plus facilement. Et il en garda deux grandes, pour les tailler de façon à en faire des objets d’écriture, de remplacement. Cela fait, il allait les plonger dans l’encre pour les essayer, quand son fils vint frapper, pour dire qu’il était là. Guido n’avait même pas eu le temps de penser à une poésie pour sa femme. Il s’excusa platement, mais son fils ne le prit pas mal.

  • Allez, viens ! Papy et mamy ne devraient plus tarder…
  • J’arrive, Paolo. Le temps de me repérer dans tout ce b… euh, oui, ce bazar.

Le jeune homme éclata de rire.

  • C’est toi qui l’as dit, papa !

Et Guido le prit en plaisantant. Tous deux se chambraient gentiment, quand les parents de Luigia arrivèrent. Le repas fut évidemment délicieux, mais  sur la fin, Guido commença à se dire que cela tirait en longueur… Il voulait revenir à ses plumes, frustré aussi de n’avoir pu tenir sa promesse à sa femme. Néanmoins, il fit comme si de rien n’était.

A peine ses beaux- parents partis, comme ils en avaient parlé, il téléphona à un ami artiste, un sculpteur, pour lui demander s’il pouvait venir. Gianni avait dix ans de plus que lui, tous ses cheveux, alors quand il dit à Guido que sa copine était partie, ce dernier éclata de rire.

  • Ce serait pour parler d’art, précisa-t-il. J’ai peut-être des idées, si tu pouvais m’aider…
  • Bien sûr ! Mais pour ton métier ?
  • Non, ça n’a rien à voir. Je vais ramener quelque chose, tu vas comprendre.
  • Tu m’intrigues… alors je t’attends. Et je t’offrirai l’apéro.
  • Surtout pas ! je viens de faire un repas bien arrosé…

Et les deux hommes se mirent à rire.

  • L’avantage, à Venise, déclara malicieusement Gianni, c’est qu’on ne peut pas faire souffler des piétons dans le ballon… Et si tu venais en vélo, tu te flanquerais dans un canal...

Et ils riaient ! Tout heureux à cette perspective, Guido reprit ses plumes, les mit avec précaution dans une mallette, et partit retrouver son ami. Luigia riait toujours, elle aussi…

  • Ça, c’est papa… entendit-il alors qu’il fermait la porte.

Enfin,  les deux amis se retrouvèrent, Gianni ayant préparé du café, et Guido ouvrit sa mallette. Il raconta son aventure de la veille, et conclut en disant :

  • Peut-être que je ne sais pas très bien comment faire une œuvre d’art avec ça… mais j’aimerais bien. Quelque chose de beau…

Ils en débattirent, et Gianni eut vite une idée : en faire un ange, « comme ta femme », ajouta-t-il, ce qui ne manqua pas de flatter l’heureux époux.

  • Puisque ça te va, je vais faire une petite armature, ajouta Gianni sans se départir d’un sourire qui faisait toujours craquer les dames. Tu travailles, demain ?
  • En tout cas, j’irai à mon bureau. Il y a toujours des estimations à faire, des messages à prendre… Par les temps qui courent, il y a pas mal de décès, et donc de biens à récupérer.
  • Hélas, confirma Gianni. Mais tu y passes tes journées quand même ?
  • Moins que quand il y a des ventes à faire. Les intéressés manquent singulièrement…. Quand c’est comme ça, j’y passe de grandes matinées, et puis je rentre pour me délasser, lire.
  • Tu as bien raison !
  • De toute façon, toi, tu es souvent inspiré… et tu viens de me le prouver.

Gianni souriait toujours.

  • L’art ne peut pas être confiné... dit-il. Et moi aussi, je me balade. Je redécouvre Venise, c’est vraiment une ville magnifique.
  • Même sous l’acqua alta ? insinua Guido.
  • Question d’habitude. Evidemment, je préfère être bien mis, mais les bottes me donnent l’impression d’être un vieux loup de mer, même si à ces moments-là, je me sens vieux…
  • Et Valeria ?
  • Eh bien, comme je te disais, elle m’a laissé tomber… Et tu sais pourquoi ?
  • Vas-y…
  • Sa fille n’a pas supporté que je puisse être son beau-père… Le problème, c’est qu’elle a su que sa mère posait pour moi… Maintenant, je vais peut-être me méfier,  avec les femmes…

Guido regarda son ami, et éclata de rire.

  • Ou peut-être celles avec des fils ? fit-il.
  • Non, c’est le cœur qui commande…
  • Il y a drôlement de la place, dans le tien !

Gianni eut un sourire comique.

  • Seul mon fils ne s’offusque pas… Alors tu reviens demain après-midi ?
  • Entendu. Le temps de déjeuner, et je viendrai te voir après. 
  • Je sais, tu préfères les repas de ta femme, à mes omelettes calamiteuses… si en plus je ne suis plus en couple…

Ils se quittèrent en riant tous deux.

  • Et si tu trouves encore des plumes, prends-les ! Tu vas voir, on va faire quelque chose de magnifique !

 

Le lendemain, comme il était curieux, Guido expédia son repas et, avant quinze heures, il était de retour chez son ami, avec encore des poches débordant de plumes. Gianni en rit aux éclats, l’engagea à entrer.

  • Désolé, je les ai ramassées en venant… Mais je vais m’occuper de les aplatir.
  • J’ai préparé du café…
  • Avec plaisir, j’aime beaucoup ton café.

Guido n’osait pas demander à voir ce qui devait servir de base à leur ange, mais une fois dans l’atelier de Gianni, il le vit, eut un « oh ! » qui fit encore plus sourire ce dernier, et se pencha dessus.

  • Si tu veux voir si ça tient bien, ne t’en fais pas, j’ai l’habitude… Assieds-toi, plutôt.

Dans la pièce, il y avait deux tabourets et une petite table, en plus de l’attirail du sculpteur. Gianni y posa leurs tasses, et expliqua comment ils allaient s’y prendre. Mais très vite, Guido le coupa.

  • Excuse-moi, mais il faudrait peut-être que je commence par redonner leur forme à ces plumes…
  • Euh, oui, bien sûr. Mais prends ton temps…

Cependant, Guido était impatient, et moins de dix minutes plus tard, il était à l’œuvre avec ses plumes. Gianni, ensuite, le guida pour les placer sur la petite armature, comme il le souhaitait. Guido y passa l’après-midi puis, enfin, tout tint bien grâce à une colle spéciale, que Gianni mettait au fur et à mesure. Ce dernier dessina un visage angélique par-dessus, ajouta des petites mains qu’il avait sculptées exprès, dès la veille. Pour finir, il vaporisa une laque afin de faire tenir le tout.

  • On dirait un chérubin ! s’exclama Guido, ravi.
  • Oui, il est vraiment très beau ! Ça devrait faire plaisir à ta femme, mais je préfère te l’apporter moi-même, pour éviter la casse. Ce serait dommage…
  • Alors je vais faire une photo.
  • Attends, je vais y faire un ajout.

Mais, en voyant l’air interloqué de son ami, Gianni ajouta que ce serait très discret, alors Guido le laissa faire. L’artiste se borna effectivement à dessiner un petit cœur rouge sur la fossette gauche de l’ange.

  • Tu as bien fait, c’est très mignon. Je vais chercher mon smartphone pour la photo.

Gianni ne toucha plus à leur œuvre, s’assit pensivement sur un tabouret, constata qu’il n’y avait plus de café. Il haussa les épaules, regarda  l’ange, crut y voir un clin d’œil, et Guido revint avec son appareil. Celui-ci chercha la fonction photo, puis voulut cadrer l’ange.

Alors, ses ailes battirent légèrement, causant une frayeur à son auteur.

  • Gianni ! Tu as oublié de fermer une fenêtre, ou quoi ?!
  • Mais non, tout est fermé ! Pourquoi ?
  • L’ange ! Mais regarde-le !

Médusés, les deux hommes le virent battre des ailes un peu plus fort, et joindre les mains en bougeant les bras, alors que la position initiale de l’un d’eux était le long du corps de l’ange. Guido en écarquillait les yeux, muet de stupeur.

  • Mais que se passe-t-il ? fit Gianni, qui ne perdait jamais sa langue, pas même devant le surnaturel.

Une voix très douce, musicale, s’éleva alors.

  • Je suis l’ange des artistes… Bravo, Guido, mon disciple, je te remercie.
  • Ne te casse pas ! répondit Guido, ému.
  • Ne t’en fais pas pour ça, reprit l’ange. Je peux même venir tout seul chez toi, pour ta femme. Tu es vraiment un homme bon.

La réaction de Guido fut de se signer, pour la première fois depuis très longtemps.

  • Et… et moi ? demanda Gianni d’une voix timide que Guido ne connaissait pas.
  • Toi et moi, nous guidons Guido, chacun à notre manière. Rares sont ceux qui ont de si jolies idées, en cette période compliquée… Tu y as mis ton art, et Guido y a mis son cœur.
  • M... merci, fit ce  dernier, de plus en plus ému.
  • Gianni, tu es un grand artiste de la lagune, tu n’as pas besoin de moi, déclara l’ange. C’est pourquoi je voudrais exaucer les désirs de ton ami. Tu ne m’en veux pas ?
  • Non, pas du tout.
  • Alors, Guido, quel serait ton souhait le plus cher ? demanda l’ange à la voix si douce.

Guido le regardait, confus.

  • Je… je ne sais pas. J’ai promis une poésie à ma femme, mais… Non, j’ai un bon métier, qui me plaît, je suis heureux… cafouilla-t-il.
  • Tu as promis une poésie à ta femme ?
  • Oui.
  • C’est donc que tu sais écrire ?
  • Ma foi, je… non, en fait non. Pourtant, j’ai des idées… En plus, souvent, je travaille le soir… enfin, quand le monde tournait rond ! C’est vrai, j’aime lire et écrire.
  • Mon ami a du temps, maintenant que le monde ne tourne plus rond… et Dieu sait combien de temps ça va durer.
  • Je sais, hélas, fit l’ange. Voudrais-tu, Guido, pouvoir écrire des poésies ou d’autres textes ? A quoi penses-tu ?
  • Des récits, des essais.
  • Je peux te l’accorder. Je saurai t’inspirer, surtout si tu me gardes.
  • Oh, je… je ne voudrais pas te perdre.
  • Tu ne me perdras pas, je te le promets. Veux-tu écrire, te faire connaître ?
  • Eh bien…

Guido n’hésita qu’un instant, et raffermit sa voix, malgré l’émotion :

  • Oui, j’accepte.
  • Les bénédictions soient sur toi ! Je te retrouve chez toi, j’y vais de ce pas. Mais alors, souffle sur moi.
  • Mais… je vais te défaire !
  • Aie confiance.

Alors Guido prit confiance, et obéit. L’ange ne se défit pas, disparaissant simplement.

  • Oh mon Dieu… firent en même temps les deux hommes.

Gianni se reprit le premier.

  • Je te raccompagne chez toi, je crois que cela vaut mieux, dit-il.

Luigia l’accueillit lui aussi, mais elle avait l’air préoccupé. Et le cœur de Guido battait à tout rompre. Ce fut Gianni qui dut demander ce qu’il se passait.

  • Quelque chose a cassé un carreau, j’ai cru voir une mouette…
  • Madonnina mia ! s’exclama Guido, et il courut à sa grotte, les deux autres à ses trousses.

L’ange les attendait, sur le bureau de Guido, avec un joli sourire et un clin d’œil. La fenêtre était cassée, mais Guido n’en avait cure.

  • Il est là ! Il est là ! Ne t’en fais pas, ma Gina. En plus, c’est pour toi. Je m’occupe personnellement de ce carreau… et de ma carrière d’écrivain !

Sa première œuvre fut la poésie demandée. Et l’année suivante, parut un premier récit sur Venise et ses mystères….

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