Vivante Antiquité !
« Bonjour monsieur Triclinio,
Je suis heureuse d’avoir pu vous retrouver, car je vois que vous êtes parti enseigner à l’université de Marseille. Vous souvenez-vous de Lisa Coquet ? Je vous ai eu comme professeur pendant tout le lycée, en latin et/ou en grec, et vous n’imaginez pas tout ce que je vous dois.
En plus de mon métier de professeur (de français), je suis archéologue amateur, par passion pour l’Antiquité. Récemment, j’ai trouvé de petits objets datant de l’époque gallo-romaine, ici à Nîmes, que j’ai pu identifier comme des miroirs, par exemple. J’aimerais vous remercier pour tout ce que vous m’avez apporté, et à présent, nous faisons le même métier, bien que dans des matières différentes. Comment pourrions-nous nous revoir ? Je regrette que vous ne viviez plus à Nîmes… Je n’en ai pas bougé, et y suis toujours aussi bien. Répondez-moi, je vous prie. D’avance, je vous en remercie.
Avec mon meilleur souvenir.
Lisa Alekos. »
En lisant ce mail, les yeux bleus de Jean-Baptiste Triclinio se mirent à briller : ses efforts n’avaient pas été vains ! Il se souvenait de Lisa Coquet, très bien même. Elle avait été une élève passionnée, ouverte, posant mille questions auxquelles il avait été heureux de répondre. Il se demanda à quoi elle ressemblait, à présent. Adolescente, elle était déjà jolie, avec ses cheveux qui partaient dans tous les sens, et son grand sourire. Jean-Baptiste était sûr qu’elle croquait la vie à pleines dents. Combien de temps s’était-il passé, quinze ans ? Il ne le savait plus, et regrettait d’avoir dû quitter Nîmes. La moindre occasion était bonne, aussi fut-il vite fixé. Et il téléphona à sa mère, restée là-bas.
« Bonjour Lisa,
Si je me souviens de vous ! Vous avez été une de mes meilleures élèves, mais je crois vous avoir eue surtout en latin ? Je serais heureux de vous revoir, et ai justement l’intention d’aller voir ma famille à Nîmes pour le week end du 1er mai. Le café près du lycée où j’ai enseigné si longtemps est toujours ouvert, et j’y vais encore quelquefois. Mais ls lycéens ne sont plus les mêmes, et certains de mes anciens collègues ont pris leur retraite… Pourquoi ne pas y boire un verre, tout en parlant de ce qui nous tient à cœur ? C’est bientôt, répondez-moi le plus vite possible. A moins que vous ne préfériez un autre endroit ? Dites-moi.
A très bientôt.
M. Triclinio. »
Lisa fut ravie de cette bonne nouvelle. A vrai dire, la réponse n’avait pas tardé : deux jours ! Même pour des mails, cela pouvait aller encore plus vite, mais elle se dit que son ancien professeur devait être très occupé… A l’université de Marseille ! Elle était fière pour lui, cette ville ayant été fondée par des Grecs. Dimitri se pencha sur son épaule.
- Alors, tu as eu des nouvelles de ton prof ?
- Lis voir !
Son mari se pencha sur l’écran, embrassant des cheveux follets au passage. Lisa eut un petit rire.
- Voyons, mon chou !
- Laisse-toi faire…
Il le refit, puis lut le mail de monsieur Triclinio.
- Et si tu l’invitais ici ? Tu m’as si souvent parlé de lui ! Je ne serais pas jaloux.
- Tu plaisantes ?! Que dirait Gaïa ?
- Je peux m’occuper d’elle, l’emmener au parc, chez mes parents… Si c’est ça qui te gêne…
- Oh, c’est adorable.
- Et tu lui feras tes spécialités, à ton prof.
Lisa éclata de rire.
- Tu dis ça pour qu’il en reste !
- Et alors ? On est accueillants, chez les Alekos !
- Pardon, c’est vrai. Je te remercie. Tu as gagné un gâteau… et Gaïa aussi.
- Chouette !
- Je vais lui répondre en lui donnant notre adresse, à mon prof. J’espère quand même qu’il ne se sentira pas trop gêné…
- Il n’y a pas de raison, mon amour. Je te rappelle que nous nous sommes rencontrés sur un champ de fouilles, il ne sera pas dépaysé, si tu lui parles de mes origines !
Lisa se leva pour embrasser son mari.
- Mais je te préviens : s’il refuse, j’irai là où il me le propose. Ça me rappellerait le lycée…
- D’accord. Allez, réponds-lui. Moi, je vais voir si notre fille fait bien sa sieste.
- Après, je veux aller dans le centre-ville, pour préparer notre future venue…
- On viendra avec toi. Et étape suivante, prendre un chien et acheter une maison avec jardin !
Lisa secoua la tête, amusée.
- Grand fou, va.
- Vous voyez, Lisa, je suis là… fit Jean-Baptiste Triclinio après les salutations d’usage.
Il reconnaissait le visage de son élève, mais elle avait coupé ses longs cheveux, et il remarqua la chouette qui se balançait dans le creux de sa poitrine, un petit ventre aux rondeurs prometteuses.
- Il y a une quinzaine d’années, vous tutoyiez vos élèves… remarqua-t-elle de son côté. L’université a dû beaucoup vous changer !
Elle-même le reconnaissait peu, si ce n’est le regard bleu, rare, désormais caché derrière des lunettes, et sa chevelure toujours opulente, mais à présent presque grise. Cependant, son beau sourire restait le même.
- Je peux te tutoyer à nouveau, si tu veux. Maintenant, si je comprends bien, nous sommes collègues !
- Eh oui ! Mais je travaille dans un collège.
Lisa ferma la porte de l’appartement, et le chat passa sa frimousse par celle de la cuisine.
- Vous aussi, vous aimez les chats ?! s’exclama-t-il. Je les adore ! J’en ai pris un après mon second divorce, une ragdoll que j’ai appelée Bambola.
- Bamboula ? essaya de prononcer Lisa.
- Bàmbola. Ça veut dire « poupée », en italien.
- Le nôtre n’a pas de race. Viens, Apollon !
Ainsi encouragé, l’animal passa la porte, et s’assit par terre. Il était roux et portait bien son nom.
- Apollon ! Que tu es beau, c’est vrai ! Il a l’air jeune…
- Il a quinze mois.
Jean-Baptiste le caressait, aux anges.
- Vous êtes des gens chaleureux, votre mari et vous.
- Mon mari y tient, mais il ne nous dérangera pas, il est parti se promener avec notre fille.
- Il a raison, il fait très beau.
- Mais suivez-moi !
Lisa avait fait des financiers, et préparé du café. Elle l’engagea à s’asseoir. Apollon les avait suivis, et s’installa sur le dos du canapé, un œil sur la table où sa maitresse et son invité s’étaient installés.
- Tu me disais être archéologue amateur ? Je vois plein de choses qui ont trait au monde antique, chez toi…
- Mon mari est d’origine grecque, nous nous sommes rencontrés en faisant des fouilles. Mais nos métiers n’ont rien à voir.
- Et que fait-il, si ce n’est pas indiscret ?
- Il est ingénieur agronome.
- Il a donc les mains dans la terre…
- Oui. Voulez-vous du sucre ?
- Surtout pas ! Moi, si je m’intéresse à l’archéologie, c’est seulement pour ce qu’elle nous apprend, je suis trop maladroit pour en faire moi-même.
- C’est vrai, il faut être très minutieux. Et j’ai de la patience.
- C’est une qualité pour être prof aussi.
- Vous l’êtes, vous aussi. Je suis sûre que vous faites merveille, à Marseille !
- Disons que je suis reconnu dans ma spécialité, mais plus le temps passe, et plus je râle. Les Humanités se perdent, alors qu’elles me semblent indispensables !
- J’en suis convaincue aussi, monsieur Triclinio. Depuis toujours. Votre enthousiasme pour le latin et le grec m’a fait un bien fou !
- J’estime qu’on ne peut pas faire ce métier sans passion. Si j’ai su te la transmettre, j’en suis heureux. J’ai eu trop d’élèves qui subissaient les cours, au début de ma carrière.
- Pourtant, vous êtes un excellent professeur. J’estime avoir encore des choses à apprendre, je n’ai que trente-deux ans…
Jean-Baptiste sourit, et Lisa se sentit fondre. Elle reprit :
- Je vous en prie, servez-vous ! Mon mari dit que je suis bonne pâtissière…
- Merci.
Il prit un financier. Ils étaient encore légèrement tièdes. Il le huma, mordit dedans.
- Hum ! Tu es douée pour tout !
Lisa sourit à son tour.
- Vous étiez très pédagogue, et passionnant.
- Je te remercie.
- Vous êtes un exemple, pour moi. Voulez-vous voir mes trouvailles ?
- Tes trouvailles ?
- Tout ce que vous nous avez appris sur les thermes romains… ou les dieux gréco-latins. Je les reconnais. Un des petits miroirs que j’ai retrouvés est en possession de personnes bien placées, mais j’ai gardé autant que possible ce que je trouvais. Cela vous intéresse-t-il ?
Jean-Baptiste regarda son ancienne élève, fasciné.
- Oui !
Et il avala sa bouchée de financier.
- Même le chat a un nom de dieu !
- Et ma fille s’appelle Gaïa. Si le bébé que j’attends est une fille aussi, je veux l’appeler Hélène.
- Quelle belle idée ! Mais je t’en prie, montre-moi !
- Alors venez.
Les trouvailles en question étaient, pour les mieux conservées, à la vue dans une petite vitrine, et Lisa fit le commentaire, mais on voyait bien ce que c’était : pièces de monnaie, tessons de poteries et objets de toilette principalement. Tandis que Jean-Baptiste les détaillait, fasciné, Lisa sortit une grande boîte située dans le bas du meuble, et l’ouvrit. Elle en extrait, avec précaution, des fibules et des bijoux antiques. L’un d’eux était orné d’un rubis, et Jean-Baptiste s’en émerveilla.
- Oui, c’est très précieux, confirma la jeune femme. Il était plus prudent de ranger là cette boucle d’oreille.
- Tu n’as pas les deux ?
- Non.
- C’est splendide.
- Le métal est patiné…
- Ça ne fait rien. J’ai l’impression de faire un bond dans le temps, chez les Alekos. C’est tout de même rare que je voie de si petits objets antiques de si près. En plus, tu expliques très bien. Pourquoi enseignes-tu le français, plutôt que le latin ou le grec ?
- Pour être sûre de trouver du travail. Mais j’y ai pensé…
Jean-Baptiste se rembrunit, à ces mots, et soupira.
- C’est rageant, fit-il. Moi-même, j’ai dû partir à Marseille pour pouvoir enseigner les Humanités.
- Quand j’en parle à mes élèves, ils me demandent ce que sont les Humanités…
- Tout se perd.
- Encore un financier ?
- Oui. Il me faudra bien ça…
Ils se rassirent donc.
- J’espère que je n’ai pas travaillé pour rien. Les collégiens ne savent même pas ce que c’est que les Humanités ! Comment les intéresser ?!
- En histoire, répondit Lisa. Cette année, j’ai des 6°, et je me suis entendue avec la prof d’histoire-géo, pour parler des Grecs et des Romains. Maintenant, on fait dans la transversalité…Ça fait longtemps, que vous travaillez à Marseille ?
- Euh… ça fait six ans.
- Je fais ce métier depuis à peu près le même laps de temps. Vous y avez échappé ?
- Oui. Et avant ça, je n’étais que dans les lycées.
- Au collège, on peut faire des choses. En 5°, dans ma matière, j’en parle, pour essayer de motiver les élèves à faire du latin l’année suivante. Je les emmène au musée de la Romanité, aussi. Vous savez rendre l’Antiquité vivante, je veux faire comme vous. Comprenez-vous ce que je vous dois ?
- Oh, Lisa !
Et Jean-Baptiste retrouva le sourire, malgré son amertume.
- Vous comprenez, en tant que prof de français, je peux prouver l’utilité de connaître le latin et le grec. Maintenant, je fais des découvertes sur la vie quotidienne à Nîmes à l’époque gallo-romaine, et je me sens à ma place. C’est grâce à vous, alors, un grand merci !
Mais Jean-Baptiste souriait, et restait amer en même temps. Il regarda sa tasse vide.
- Ton petit café est excellent, mais on ne peut pas trinquer avec ça, et puis… Oh !
Il se prit la tête entre les mains.
- Monsieur Triclinio ?
Lisa en avait le cœur battant, de le voir ainsi.
- Même ici à Nîmes, une classe de latin de plus de vingt élèves, c’est de la science-fiction ! Sur la fin, je n’arrivais pas à quinze !
- Oui, mais à Marseille ? demanda doucement Lisa.
- Il y a davantage d’hellénistes, c’est vrai, mais ça reste relatif. Pourtant, je suis convaincu que la culture, c’est celle de la Grèce et de l’Italie et qu’elle est toujours vivante, bon sang !
Et Jean-Baptiste releva la tête.
- Tu sais quoi, Lisa ? Tu me donnes, plus qu’un autre, l’envie de me battre pour faire vivre l’Antiquité ! Celle que je t’ai apprise, que j’enseigne depuis près de trente ans ! Il ne faut pas que ce soit vain !
- Notre première dame a enseigné le latin…
- L’enseignement des langues anciennes est foulé au pied depuis belle lurette ! C’est pour ça, que j’ai dû partir à l’université : pour pouvoir le faire ! Mais tu sais ce qu’ils ont fait, à Marseille, il y a bien longtemps, au lieu de mettre des fouilles en valeur ?
- Non, dites-moi.
- Des parkings souterrains !
Lisa regarda son professeur, atterrée.
- Les pouvoirs publics sont bêtes à ce point-là ?
- En France, oui. Il y a un léger mieux avec le temps, c’est vrai, mais en Italie, en Grèce, ils ne sont pas bêtes à ce point-là ! Alors les langues anciennes…
- Vous ne dites pas « mortes », remarqua Lisa.
- Non, car elles sont vivantes ! Nous sommes comme monsieur Jourdain, qui ne sait pas qu’il parle en prose !
- C’est vrai. J’ai appris tout cela.
- Oui, mais comment ?
- En vivant dans une ville chargée d’histoire, en lisant.
- Nous y voilà. Moi, en matière de BD, j’ai lu Astérix ou Alix, il y a pire, comme références. Les jeunes de maintenant ne lisent plus que des mangas ! Je n’ai rien contre les Japonais, mais maintenant, on oublie les romans… Lors de ma dernière année en lycée, surtout dans les filières scientifiques et économiques, mes collègues s’en plaignaient.
- Si ça peut vous rassurer, les miens aussi. Mais vous savez, en 6°, avec la transversalité, je me débrouille pour faire lire des œuvres les reprenant. Quand je fais étudier La Fontaine, je parle d’Esope ! ou encore, une fois, j’ai fait étudier L’âne d’or d’Apulée. Mes collègues n’en revenaient pas !
- Et qu’en ont pensé tes élèves ? demanda Jean-Baptiste, se reprenant.
- Ils ont adoré Apulée.
- Ah bon ? Tu me rassures !
Il était même soulagé de l’apprendre.
- J’ai gardé mon âme d’enfant, j’aime les contes et légendes. Peu à peu, j’essaie d’amener les enfants à la littérature, ou encore à la maîtrise de la langue française. Les Lettres classiques ont un rôle à y jouer. Quand j’enseigne l’orthographe, j’y ai recours.
- Tu dois être passionnante, toi aussi !
- Mais j’ai un certain niveau d’exigence, quand même. Il y a toujours des élèves pour râler, ou à la traîne… et je ne parle pas des dyslexiques. Je n’ai pas les compétences d’un orthophoniste, pour corriger ça. Il y a des élèves qui se réfugient derrière ce handicap.
- Ça, Lisa, c’est un autre problème. Je n’y ai pas été confronté, mais quand on a envie d’apprendre, on finit toujours par y arriver, dyslexique ou pas.
- De toute façon, je m’égare… fit Lisa en souriant.
- Ça ne fait rien. Tu es restée quelqu’un d’intéressant. N’avais-tu pas un an d’avance ?
- Si, et je l’ai gardé. J’ai sauté le CE2.
- Que font tes parents, déjà ?
- Mon père est metteur en scène, homme de théâtre, et ma mère, conservatrice de musée. A celui de la Romanité, précisément.
- Tout s’explique… Et tu es bonne en langues, je crois me souvenir ?
- Oui, c’est vrai, je parle couramment l’anglais et l’espagnol. Plus tard, j’ai aussi appris le grec moderne, et j’ai rencontré mon mari en Crète… Je me débrouille plutôt bien, dans cette langue.
- Elle a beaucoup évolué, en vingt-cinq siècles. Moi aussi je l’ai appris, et me débrouille.
- Vous êtes plus latin, non ?
- Que veux-tu dire ? Je suis d’origine italienne, et me suis spécialisé sur Pompéi… Mais j’aime beaucoup le grec aussi.
Lisa reprit un financier, avança le plat, et Jean-Baptiste en fit autant. La jeune femme était songeuse.
- Je regrette de ne pas connaitre plus de langues, dit-elle. Je connais un peu l’Italie, mais ils parlent trop vite, je ne peux qu’attraper des mots au vol. mais l’espagnol peut aider.
- Les langues anciennes irriguent aussi les langues européennes. En anglais comme en grec, l’adjectif vient toujours avant le nom qu’il qualifie…
- C’est vrai. Mais pourquoi le mot « rythme », en français, qui vient du grec, ne s’écrit pas « RH » comme en anglais, comme pour « rhume » ou « rhinocéros » ? L’orthographe française continue de me fasciner…
- A cause de l’Académie française, probablement. Ça fait des siècles qu’on trouve l’orthographe française trop compliquée ! Mais tu as raison, d’autant qu’il me semble qu’il fut un temps, on écrivait ce mot avec deux H. Plus personne ne connaît les esprits du grec, ces signes n’existent même plus, dans l’orthographe moderne du démotique.
- C’st vrai, reconnut Lisa. Vous avez fait beaucoup de linguistique, dans vos études ?
- Pas tant que ça. Du grec ancien, du latin, et un peu de français. Je ne pourrais donc pas te parler de la linguistique anglaise…
- Tant pis ! Je lirai…
- Tu posais déjà beaucoup de questions, il y a quinze ans…
- Mon père m’a toujours taquinée là-dessus. Et ma mère me racontait des légendes…
- C’est marrant, fit Jean-Baptiste, amusé.
- Mais je ne vais pas parler de mes parents…
- Quel âge a ta fille ?
- Trois ans, pourquoi ?
- Donc elle fait des phrases ?
- Oui !
Et Lisa éclata de rire. Charmé, Jean-Baptiste la fit parler de la petite Gaïa, de l’enfant à venir. Une heure plus tard, après un autre échange sur la civilisation gréco-latine, il repartait, regonflé à bloc, au point de donner son numéro de téléphone à son ancienne élève.
Après deux ou trois échanges téléphoniques, chacun conclut qu’ils étaient amis, et s’en furent comblés. Pourtant, quelle ne fut pas la surprise de Jean-Baptiste quand, quelques mois plus tard, Lisa lui téléphona la nouvelle de la naissance de son fils.
- Félicitations ! Et comment s’appelle-t-il ? demanda Jean-Baptiste, s’en réjouissant sincèrement.
- Alix.
- Alix Alekos ?
- Mo mari aime bien cette idée.
- Et comment va la grande sœur ?
- Elle râle ! Il est très mignon, mais pour elle, seulement quand il dort !
Tous deux se mirent à rire.
- Et elle pose des questions ?
- Oui, comme moi ! Elle est entrée en moyenne section de maternelle… Mais je voulais aussi te demander une faveur…
- Vas-y.
- Veux-tu être le parrain ?
- Mais je… Voyons Lisa, quand Alix aura vingt ans, j’aurai plus de soixante-quinze ans !
- C’est comme tu le sens.
- Je viendrai au baptême si tu m’invites, mais je… je ne préfère pas. Choisis un parrain plus jeune, ce sera mieux.
- Oh, je…
Lisa était un peu déçue.
- Non, je comprends, reprit-elle après un temps. Mais j’aurais voulu sceller notre amitié.
- Je viendrai à la Toussaint, et nous nous verrons, j’organiserai quelque chose.
- D’accord. Si tu penses à moi quand tu viens à Nîmes…
- Je profiterai de ton congé maternité, c’est promis. Je viendrai à la Toussaint, et à Noël.
- Oh, super ! se réjouit aussitôt Lisa, se reprenant du même coup.
- Nous resserrerons le lien, parrain ou pas parrain, dit Jean-Baptiste, ému. De toute façon, le jour où je serai à la retraite, je reviendrai à Nîmes.
- Tant mieux ! Et nous nous verrons, tu seras mon mentor !
Quand Jean-Baptiste raccrocha, il en aurait pleuré d’émotion. Il ouvrit, pour lui tout seul, une bouteille de spumante, et leva son verre :
- A l’amitié !