27 septembre 2024
Le point de vue de Sirius, 35° épisode
Les joies du tourisme.
- Je ne peux pas regarder ce Colisée sans penser aux horreurs qui s’y passaient, maintenant, avoua Anthéa, tout en essayant, maladroitement, de manger ses spaghetti carbonara.
- Et moi, je suis crevée, fit la princesse. Nous sommes restés bien trop longtemps devant chaque monument de ce forum !
- Vestiges, corrigea Byzix tout en savourant son risotto de printemps. Mais nous avons appris plein de choses ! Qu’est-ce que c’est bon, ce plat de riz ! ajouta-t-il.
- Les produits sont très frais, remarqua Antoinette. Mais ça, ce sont les joies des groupes de touristes, de piétiner ainsi avec un guide…
- Tourisme ? Ça sert à quoi ?
- A consommer de l’art, grinça Antoinette.
- Souvenez-vous capitaine, ce couple aux yeux bridés devant notre vaisseau, à Maldek…
- Plus bas ! Si ça se trouve, il y a des Français aussi….
- Qu’est-ce que j’ai dit ? fit Césig.
- De toute façon, ici personne ne sait ce qu’est Maldek, fit remarquer Lantar.
- Ce Néron était encore pire que Mère, reprit la princesse, toute pensive. Il y a encore des gens comme ça, sur T… ?
- Mais chut ! s’impatienta Antoinette, et : Ah, si je connaissais votre langue, nous pourrions parler ouvertement…
- A l’hôtel, Antoinette, dit Ollibert. Mais je suis d’accord avec la patronne. Qu’avaient donc fait les chrétiens pour mériter ça ?!
- Et ces jeux du cirque ! répartit Anthéa, s’entêtant à vouloir manger ses spaghetti comme les Italiens. Mais quelle horreur !
- Maintenant, on a le football, dit Antoinette, et elle cita Le guépard : « Il faut que tout change, pour que rien ne change » …
- Quoi ?!
Les spaghetti d’Anthéa giclèrent sur le bras de son mari.
- Ma chérie, voyons !
Seul Carman s’en sortait avec les siens. De son côté, Césig s’empêchait de tousser du fait des piments dans ses penne all’arrabbiata.
- Je comprends pourquoi on appelle ça des pâtes enragées ! C’est délicieux, mais qu’est-ce que c’est fort !
- On meurt du… football aussi ? s’inquiéta Anthéa.
- Plutôt du rugby, c’est encore plus violent. Mais au foot, comme ils disent, les meilleures équipes gagnent, en quinze ou vingt ans, ce que moi, après quarante ans de secrétariat, je n’ai jamais gagné…
Tout le monde fit la grimace.
- Mère a eu raison de supprimer l’argent. Mais ce Néron !
- Il n’y a pas de corruption, sur Po-Tolo ?
- Je ne sais pas. Elle me dit sans cesse que je suis protégée, mais je n’ai jamais su ce qu’elle voulait réellement dire, surtout depuis que… Père a disparu…
Et Balea eut un gros soupir.
- Ne vous en faites pas, Votre Altesse, lui dit son majordome en posant une main sur son bras.
- Mais Ollibert, que faites-vous ?
- Je crois que les Italiens déteignent sur moi, répondit-il avec un sourire.
- Je crois que notre princesse manque de chaleur, observa Césig. Ce n’est pas ce qui caractérise notre pla… notre civilisation.
Antoinette respira, et lui fit un regard reconnaissant. Elle essaya de détourner la conversation.
- Cet après-midi, puisque nous ne sommes pas loin, nous visiterons l’église Saint Pierre-aux-liens, tout seuls, sans guide. Et moi, après, je voudrais acheter des baskets, et vous devriez en faire autant.
- Des baskets ? firent les Po-Toliens sans comprendre.
- Ce sont des chaussures sans talons, plus confortables pour marcher. Ça va, Césig ?
Il toussait, termina vaillamment son assiette, et Antoinette, à sa grande surprise, lui tapa dans le dos.
- Vous devriez boire un coup…
Césig vida son verre d’eau sur-le-champ, la remercia. Peu après, le secondo arrivait : le plat de viande avec des légumes.
- Ils ne se fichent pas du monde, les Italiens, dit Byzix.
- Et après, vous voudrez un dessert ? Ici en Italie, les fraises à la crème sont délicieuses, en cette saison.
- C’est très bon, c’est ce Néron, qui m’horripile, dit Anthéa.
- Les chats du Colisée sont très mignons, eux, dit la princesse de son côté. Mais ici, en France et en Italie, à table… Je pense comme notre capitaine.
- Pas en Angleterre, par contre, insinua Carman.
- Au fait, pourquoi sommes-nous allés là-bas ? demanda incidemment Césig, et tous se regardèrent, et éclatèrent de rire.
- La famille royale ! voulut plaisanter la princesse, et Antoinette laissa libre cours à son hilarité.
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