Règlement de contes
De l'autre côté de l'Atlantique, depuis quelques temps, est apparu un phénomène de "bien pensance", visant à ne heurter aucune communauté et qui... me heurte et pose question ici en Europe. Il s'agit de tous ces livres que l'on prétend, au nom de la "cancel culture", bannir. Certains se sentent visés, les Noirs (américains notamment), les LGBT etc (j'en oublie dans cet acronyme), les femmes victimes des hommes, et j'en passe ; et tout cela à cause de livres où des personnages de leurs communautés apparaissent ? Pourquoi vouloir tout effacer ? C'est comme ce roman d'Agatha Christie, Dix petits nègres, rebaptisé ... and then there were none à cause du mot "nègre". Dénierait-on tout droit aux auteurs ? Ce serait pourtant aller contre leur rôle. En effet, ils montrent, dénoncent, cette réalité sera-t-elle effacée pour autant, si on supprime tout ? A présent, certains auteurs américains apprécient le calme de l'Europe, où on les laisse créer à leur guise, pour ce qui est de la véritable littérature.
Celle-ci est donc bafouée dans ce qu'elle a de plus essentiel, et ce qui fait son importance. Oui, la littérature est un combat, contre l'effacement ou l'obscurantisme. Il ne faut pas taire le passé. L'écriture sert précisément à cela. Dans Fahrenheit 451, ce roman très fort de Ray Bradbury et, disons-le, prémonitoire, où à la fin, la littérature était sauvée en récitant des romans par coeur (F° 451 étant la température à laquelle brûle un livre). C'était une forme de résistance dans une société post-apocalyptique. L'homme a besoin de s'exprimer ; ceux qui ont vécu l'horreur, quelle qu'elle soit, peuvent témoigner pour dire "Plus jamais ça". Alors si on efface cette possibilité ? De plus, cela relève d'une forme de dictature qui ne dit pas explicitement son nom, et qui explique la frilosité des media américains (qui, au passage, n'édulcorent pas les sottises d'un ex-président qui veut revenir...). Non, on ne peut plus écrire tranquillement aux Etats Unis. Ni lire. Car si on bannit des livres, alors on lèse des lecteurs. Ceux qui ne savent pas deviendront incultes dans une génération ou deux. A cause de lobbies politiques effrayants.
Pour moi, c'est du même ordre que de vouloir éradiquer la langue d'un pays que l'on assiège pour des visées hégémoniques. On n'enseigne plus, on interdit, pour de mauvaises raisons. L'espoir est peut-être permis quand on se souvient du principe selon lequel "Il est interdit d'interdire". Y aura-t-il un jour une réaction à ce mouvement, de la part des écrivains vivants qui sont visés par ces mesures liberticides ? Ou sommes-nous tous devenus sans passé voire idiots ? La question se pose...