Le point de vue de Sirius, 42° épisode
Susceptibilités
Les Po-Toliens clignèrent des yeux en sortant de la petite gare, et suivirent la route jusqu’à l’avenue Habib Bourguiba, sur laquelle ils se risquèrent. L’avenue était noire de monde, et ils étaient très étonnés. Antoinette elle-même ne s’attendait pas à cela : bien que cette avenue fût grande et large, ça klaxonnait un peu partout, et tous les huit avaient du mal à rester groupés sur le trottoir.
- Mais il n’y a pas de femmes, ici ? s’étonna Anthéa.
- Si, il y a des blondes, lui répondit Ollibert.
- Seules les touristes ne sont pas voilées, je crois, lui répondit Antoinette. Je croyais les Tunisiens plus avancés… Bourguiba a été leur président pendant longtemps, et il me semble qu’avec lui, le pays a fait des avancées en faveur des droits de la femme…
- Mais comment font-elles ? Les pauvres, elles doivent avoir chaud ! Déjà nous… observa Césig.
- Et pourquoi pas les hommes ? demanda la princesse.
Comme ils parlaient en français, certains Tunisois se retournèrent, étonnés.
- Qu’est-ce que j’ai dit ?
Antoinette soupira.
- C’est un sujet sensible, dit-elle. Bon, nous cherchons un hôtel, mais d’abord nous allons avancer, cette avenue est en plein centre, nous a-t-on dit à la gare…
Mais ils pilèrent devant le grand monument, les drapeaux de la place du 14 janvier 2011.
- Il va nous falloir un guide, fit Carman. Ah, si Lucia était avec nous !
- Pourquoi, elle connaît Tunis ? demanda Antoinette.
- Seulement un peu. Elle pensait surtout à Carthage, où nous étions ce matin… Elle m’a expliqué qu’il avait plein de petites rues dans la médina, mais clairement, nous n’y sommes pas, quand je vois cette avenue… Et cette place !
Le capitaine regardait partout.
- Je ne m’y retrouve pas, avec toutes ces architectures différentes, dit-il.
Antoinette regarda le plan qu’elle avait pu acheter à la gare.
- Je vois bien des hôtels, dit Césig, mais je crois que plus c’est clinquant, plus c’est cher ?
- Oui, c’est le risque. Mais moi, les dinars… A la gare, on m’a dit que nous en trouverons vers la gauche de l’avenue, en allant dans la direction de la médina.
- Tout droit ? Ou on tourne tout de suite ? demanda le capitaine.
- Tout droit, répondit Antoinette après avoir consulté le plan. Nous tournerons à gauche une fois sur l’avenue de France.
Ils traversèrent la place du 14 janvier 2011, où Antoinette remarqua une horloge singulière, et ils se promirent de revenir une fois qu’ils auraient un guide touristique en main. Plus ils progressaient, plus la foule se faisait compacte, et on regardait la princesse avec sourire et respect, en la voyant nez en l’air. Beaucoup de Tunisois s’écartaient d’elle ; en revanche Lantar et Anthéa se frôlaient à la mode potolienne, se rapprochant l’un de l’autre pour ne pas se perdre de vue, ce qui n’était pas bien vu par les locaux… Carman soupirait après Lucia, et le capitaine, Césig et Ollibert essayaient de ne pas avoir l’air trop ahuri, manquant leur effet. Seuls Antoinette et Carman restaient naturels.
Enfin, arrivés à l’avenue de France, ils tournèrent à gauche. Peu auparavant, le capitaine avait repéré une grande librairie sur l’avenue Habib Bourguiba.
- Oui, nous irons, lui avait dit Antoinette. Demain, ou plus tard, puisque vous avez dit que vous preniez le temps et que vous n’étiez pas à quelques jours près.
Ils trouvèrent un premier hôtel, mais on regarda Antoinette de travers, le regard de son interlocuteur obliquant vers les hommes de la petite troupe. Quant à elle, plus d’un détail lui faisait froncer les sourcils, et elle finit par laisser tomber. La même scène se répéta quelques mètres plus loin, et Lantar et Byzix se regardèrent.
- Lantar, pensez-vous que je puisse intervenir ?
- Vous le devriez, capitaine. Je me méfie de ces prix très bas, moi aussi.
- Antoinette, retournons vers l’avenue de France, ou rapprochons-nous de la médina, plutôt, engagea Byzix.
Dépitée, elle râla quelque peu.
- Bientôt, on va me reprocher d’être une femme !
- Pas une princesse, déclara Balea avec hauteur. Je…
- Non, Votre Altesse, déclara le capitaine, et on le suivit vers l’avenue de France, où ils trouvèrent un « palace » idéalement situé, entre le centre-ville et la médina, doté d’une façade magnifique, d’un restaurant et d’un snack bar. C’était Byzix et Lantar qui, d’entrée de jeu, à force d’écouter Antoinette, avaient demandé quatre chambres.