Le point de vue de Sirius, 43° épisode
Au marché.
- Ces regards commencent à me peser, glissa Anthéa à Lantar tout en se dirigeant vers la médina.
- C’est vraiment dommage de devoir voiler tes attraits, ma belle.
- Lantar ? Qu’est-ce qui te prend ?
- Qu’est-ce que j’ai dit ?
Tous deux se regardèrent. Antoinette, de son côté, râlait un peu, dépitée par la décision que les trois femmes avaient dû prendre. De plus, elle ne savait même pas s’ils pouvaient aller tous les huit dans les marchés, alors ils s’étaient lancés au hasard. Et elle essayait désespérément du moyen de convertir les dinars tunisiens en euros… Multiplier ? Diviser ? Cela lui rappelait la Grande Bretagne, si bien que tout se mélangeait dans sa tête. Plus d’une fois, elle manqua se heurter aux passants, ainsi que la princesse qui était, elle, intriguée et émerveillée par ce qu’elle voyait.
Ils passèrent devant le Marché central, où les fruits les attirèrent, mais Antoinette et Carman se doutaient qu’ils trouveraient ce qu’ils cherchaient dans la médina même. Ils passèrent une sorte de porte, et ce fut un autre univers, dominé par la Grande mosquée. Une fois là, ils allèrent un peu au hasard…
- Qu’est-ce que c’est beau ! s’exclama Ollibert, oubliant sa retenue protocolaire. Ces couleurs !
Antoinette fut forcée de reconnaître que la magie de l’endroit produisait déjà son effet sur elle. Les murs blancs, les couleurs chaudes, les portes bleues semblaient l’inviter à entrer dans un autre monde. Chacun ralentit le pas.
- On continue d’aller au hasard ? demanda le capitaine.
- Regardez partout. Le premier qui repère des étoffes le dit ! lui répondit Lantar.
Antoinette n’osait plus rien dire, subjuguée. C’était au moins tout aussi typique, à ses yeux, que les marchés provençaux de sa jeunesse, voire presque aussi familiers. Mais les odeurs étaient différentes. Et le ciel était déjà bleu, avec quelques petits nuages blancs.
- Non mais ?! fit tout à coup la princesse, qu’on regardait avec insistance : elle avait senti quelque chose sur son postérieur…
Une main ? Elle avança.
- Ollibert, éloignez tout gêneur !
- Oui, Votre Altesse.
En plus, plus ils allaient, plus cela s’animait autour d’eux, des touristes, des Tunisois eux-mêmes.
- Là ! s’écria Césig. Il y a des tapis, alors peut-être…
- On y va, décida Antoinette, malgré tout un peu méfiante.
Peu après, ils découvraient d’autres petites rues blanches, les portes bleues, et des étoffes de toutes les couleurs. Anthéa fut aussitôt attirée, s’approcha d’un présentoir.
- Cherchez-vous quelque chose en particulier, madame ?
- Je regarde, fit-elle prudemment.
Ce matin-là, le café avait été particulièrement fort, si bien que les Po-Toliens avaient du répondant, ce qui réjouissait Antoinette.
- Je regarde pour la femme que j’aime, dit Carman à un autre.
Antoinette leva les yeux au ciel : dans son idée, les femmes étaient vraiment plus malignes que les hommes…
- N’allez pas trop vite, dit-elle à Carman. Il y aura beaucoup de tentations…
Et ils continuèrent. Mais devant des porte-monnaie, portefeuilles, sacs, ils ne purent s’empêcher, Antoinette la première, d’en acheter. Les Po-Toliens avaient bien remarqué où les Terriens mettaient leur argent…
- Des foulards ! s’exclama enfin Antoinette.
Il y en avait de plusieurs couleurs, mais elle exclut le vert, en compara, se fit conseiller par le vendeur. La princesse et Anthéa en firent autant, bien qu’étonnées qu’ils ne soient pas multicolores comme les autres pièces de tissu. Mais Anthéa dit télépathiquement à Balea de ne pas poser ce genre de question. Antoinette prit un voile couleur crème, les deux Po-Toliennes choisissant le bleu. Mais au moment de payer, le capitaine et Césig durent venir à la rescousse d’Antoinette.
- Si, lui dit Césig, pensez que dix dinars font environ trente euros, un peu plus. A partir de là, c’est facile !
Antoinette fit mentalement le calcul pour ne pas se faire arnaquer, et accorda un dinar supplémentaire au vendeur, d’elle-même. Puis Carman, ayant comparé, acheta des bracelets pour Lucia en se faisant conseiller par elle. Enfin, repassant devant le grand marché central, ils se firent plaisir en achetant des fruits frais cueillis.