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l'imagination au pouvoir
1 décembre 2019

évolution double

Chrysalides

 

-          Luca ! Luca ! Beautiful legacy ! criait la foule alors que Luca, ayant présenté les deux guitaristes, haranguait les spectateurs.

Puis il lança :

-          A la basse ! Giacomo Conti !

Le concert se terminait, et, avant les rappels, Luca, en sueur, eut un  regard circulaire sur la petite salle. Tous levaient l’index et l’auriculaire, poing fermé et levé, pour acclamer le groupe, et il remarqua deux filles, dont une qui ouvrait de grands yeux et qui, manifestement, ne perdait pas une note du concert. En réalité, cette fille était accompagnée d’une amie, beaucoup plus visible qu’elle, avec de très beaux traits, les cheveux tout décoiffés. Mais Luca eut un petit sourire, car la fille qu’il venait de remarquer avait des courbes qui lui plaisaient, il aimait les femmes enrobées, même avec des lunettes. Il annonça le titre suivant, et la musique repartit, pied au plancher. Il en avait oublié de présenter le batteur, alors il alla à lui après le morceau introducteur des rappels, et :

-          A la batterie ! Pippo Dellacorte !

Pippo fit un roulement, soulagé après l’oubli de son collègue.

-          Voulez-vous notre hit !! lança encore Luca, revenant sur le devant de la scène.

La foule était complètement déchaînée, et scanda, sur un geste du meneur :

-          Blood ! Sweat ! and tears !

Le concert, après cela, était terminé en beauté. Luca voulut suivre du regard les deux amies qu’il avait aperçues, mais la foule se faisait plus opaque. Il soupira, et alla derrière la scène pour s’essuyer le visage et enlever son tee-shirt. Puis il réapparut, prêt pour affronter les fans. Il serra des mains, embrassa quelques filles, mais ne vit pas les deux amies.

 

En réalité, toutes deux, Angela et Luigia, étaient parties au bar.

-          Alors, tu as vu le beau Luca ! fit Luigia, les cheveux plein la figure à force d’avoir remué la tête dans tous les sens.

-          Oui, c’était génial ! répondit, enthousiaste, Angela. Décidément, j’adore Beautiful legacy !

-          Moi aussi ! Mais je n’ai vu aucun garçon pour toi, dans la salle.

-          Bof… ils ne pensent qu’à tirer un coup. Tu sais bien que je n’attends rien d’un mec d’un soir… Luca Tavelli ou un autre, c’est pareil.

Et Angela soupira. Quelqu’un la heurta sans s’excuser, et se dirigea vers les toilettes.

-          Tu vois bien, reprit-elle, je suis invisible… On ne me voit même pas, ou quand ça arrive, c’est pour se moquer de mes bourrelets…

Luigia regarda son amie, un peu gênée, car elle le savait bien, elle aussi. Elle se reprit en demandant :

-          Et tu ne veux pas aller demander un autographe ? C’est le moment ou jamais…

-          Bah ! Beautiful legacy arpente l’Italie, peut-être qu’à la prochaine tournée, je me déciderai enfin…

-          Mais Angela, Florence n’est pas Rome…

-          Tu sais bien qu’on ne rate aucun de leurs concerts ici, et puis, on peut y aller, à Rome, au pire !

-          Moi, je voudrais aller voir un peu le groupe…

-          Bon, si tu veux.

Angela prit une inspiration, et embarqua sa canette de jus de fruits, pour suivre son amie.

 

-          Ah ! Enfin ! se dit Luca en voyant arriver Luigia et Angela.

Cette dernière se tenait en retrait, et il dut demander à Luigia si son amie voulait un autographe elle aussi. Luigia poussa un peu Angela, qui, en croisant le regard de Luca, détourna la tête. Elle donna son nom, à la demande du chanteur, et il griffonna quelque chose sur un carnet, lui donna la petite feuille. Voyant sa réserve, il n’insista pas, et sourit. Angela le remercia timidement, et les deux filles s’éloignèrent.

Beaucoup plus tard, Luca regagna les loges, lessivé, et tomba assis.

-          Une nouvelle mission pour moi, se dit-il en pensant à Angela, et il appela ses collègues.

Giacomo se présenta le premier, puis les trois autres.

-          Les mecs, le concert est fini, qu’est-ce que vous allez faire ?

-          Nous coucher ! répartit aussitôt Pippo, et les trois autres acquiescèrent.

-          De toute façon, que veux-tu faire ? fit l’un des guitaristes, Saverio.

-          M’échapper.

-          Fais ça dans le tourbus. Nous ne te dérangerons pas. Je te rappelle que nous partons à Rome tôt dem… ce matin, conseilla Pippo.

Luca comprit, récupéra ses affaires, et suivit ses comparses.

Une fois dans le bus, il s’installa confortablement, tandis que les quatre autres se préparaient à dormir. Même fatigué, Ignazio trouva encore le moyen de faire rire toute la bande, puis se mit très vite à ronfler comme un sonneur.

-          Angela Locatelli, à Florence, se rappela alors Luca, puis il se mit en condition pour « s’échapper ».

Peu après, son double astral était dans une chambre, qu’il inspecta. Angela n’y était pas, mais il entendit de l’eau couler, alors il se déplaça, trouva la salle de bains. L’appartement n’était pas grand, aussi la chose fut-elle aisée. Mais il croisa le regard du chat de la maison, qui cligna des yeux en sentant sa présence. Luca eut un sourire, car il aimait les animaux, lui aussi. Etant invisible, ainsi, aux yeux humains, il entra dans la salle de bains pour admirer les bourrelets d’Angela. Mais il remarqua qu’elle avait surtout une belle poitrine… Il la laissa à ses ablutions, et attendit, dans la chambre, qu’elle se couche. Elle ne tarda pas à se glisser dans le lit, appela son chat et, bientôt, tous deux dormaient, le chat lové contre sa maîtresse. « Qu’ils sont mignons », se dit Luca, et il se pencha sur le lit. Ses lèvres effleurèrent les tempes de la dormeuse, et il murmura :

-          Je sais qui tu es… Tu manques d’amour, et moi je voudrais t’en faire donner. Beaucoup de belles femmes sont comme toi. Je voudrais faire une bonne action pour te rendre ta visibilité. Tout le monde a le droit d’être heureux, Angela, et pas seulement ton petit félin. Je reviendrai…

Luca fit ainsi chaque nuit, et Angela étonna son entourage, se faisant tout à coup remarquer pour son sourire. Par ses parents et Luigia, surtout.

-          C’est curieux, observa cette dernière, tu es ainsi, depuis que nous sommes allées écouter Beautiful legacy la semaine dernière…

-          Dans mes rêves, quelqu’un me dit qu’il m’écoute et veut m’aider. Mais je ne sais pas si   c’est… le beau Luca Tavelli…

Et Angela eut un nouveau sourire.

-          Et à ton travail ? Ils doivent apprécier ce sourire aussi, non ?

-          Oui… j’ai dit que le metal était une musique qui me fait du bien, mais personne ne m’a crue. Ils sont des a priori si négatifs…

Luigia fit la moue.

-          Alors qu’un groupe comme Rhapsody of fire peut même chanter en italien, ou réinterpréter Dvorak ! dit-elle.

-          Ce sont des cons, Gina.

-          On est bien d’accord…

Toutes deux échangèrent un sourire entendu.

-          Alors, les filles ? fit un garçon qui passait par là, reconnaissant les deux amies. Ta copine a un très beau sourire, Gina.

-          Je m’appelle Angela, osa Angela. Et je connais ton nom, Tommaso.

-          Allez, viens t’asseoir près de nous. Tu nous payes ce verre ? fit Luigia, et cela fit rire Tommaso.

-          Si tu veux. On est bien, à cette terrasse.

-          Ce mois de mai est magnifique, observa Angela, et Luigia la regarda, étonnée de la voir tout à coup si ouverte avec un garçon.

Et Angela sourit.

-          Tu as un très beau sourire, lui dit Tommaso. Comment se fait-il que je ne l’aie pas remarqué ?

Elle eut un geste évasif, ne sachant quelle réponse donner, et pensant à Luca. Luigia riait, ils passèrent un moment ensemble. Ce jour-là, Angela rentra chez elle regonflée à bloc : on la regardait ! Aussi, la nuit suivant quand Luca revint la titiller, elle osa, dans son rêve, demander :

-          Mais pourquoi m’aides-tu ? Qui es-tu ?

-          Luca Tavelli, ma princesse. Je vois, à tes bourrelets, à  ta discrétion lors du concert de mon groupe, que tu n’as pas l’habitude qu’on te regarde. Est-ce que je me trompe ?

-          Oui, c’est vrai. Et j’ai l’impression… d’irradier, tout à coup.

-          Tu n’as pas d’homme dans ta vie ?

-          Comment veux-tu ? Tu m’as bien regardée ?

-          Oh, tu dois savoir que je suis des Pouilles… Là-bas, les belles femmes sont comme toi. Tu es le genre de plus d’un homme… normalement constitué, je dirais.

Angela ne répondit rien tout d’abord. Enfin :

-          Tu viens dans mes rêves ?

-          Je fais ce que je veux de mon corps astral.

-          Qu’est-ce que c’est ?

-          Ça ne sert à rien que je t’explique, tu auras oublié au réveil. Mais j’ai développé mes capacités psychiques et médiumniques, pour éventuellement aider les autres.

-          Je ne comprends pas.

-          Si tu ouvrais les yeux, tu ne me verrais pas. Ce corps est invisible, seul ton chat le perçoit. Il est très mignon, au fait.

-          Merci.

-          Dis-moi juste une chose : pourquoi ne t’aimes-tu pas ?

-          J’ai été adoptée à un an, je ne connais pas mes parents biologiques. Mes parents adoptifs ont tout essayé pour me donner confiance en moi, mais j’ai toujours du mal. Je n’ai pas de modèle, dans ma famille d’adoption je suis fille unique.

-          Et dans ta famille biologique ?

-          Ils ne veulent rien savoir. Je ne sais pas. Avec Gina… je veux dire Luigia, qui m’accompagne partout, je crois que j’ai trouvé comme… une sœur. Ça fait plus de vingt ans que nous nous connaissons… Elle, c’est l’Italienne typique, qui te tape sur l’épaule et te fait de vraies bises… Le jour où elle aura des enfants, ils seront heureux, j’en suis persuadée.

-          Je suis heureux que tu m’aies posé des questions. Je reviendrai, ma princesse…

-          « Ma princesse » ?

-          Tu me plais, Angela. Mais je préfère ne pas rester plus longtemps.

Dans son bus de tournée, en Sicile, Luca réintégra son corps physique, et eut un beau sourire. Cette fois-là, avant de repartir il avait vérifié la rue et le numéro d’Angela, et se promit de retourner à Florence dès que la tournée italienne de Beautiful legacy serait terminée. Mais tant que ce n’était pas le cas, il alla voir Angela toutes les nuits, se demandant s’il n’était pas en train de tomber amoureux lui-même. Avant toute chose, il voulait rendre sa visibilité à Angela, pour qu’elle soit ouverte, épanouie et qu’il lui arrive de belles choses. Lui… il savait qu’il était un fantasme pour ses fans filles, et s’en contentait. Mais malgré tout…

A la fin de la tournée de Beautiful legacy, il se retrouva à Rome, où il avait un petit appartement, qu’il partageait avec Saverio. Et il parla de cette aventure. Saverio avait un grand sourire, lui disait qu’il n’était « que » le sauveur de l’humanité, et tous deux riaient.

-          Et alors tu veux vraiment aller à Florence ?

-          C’est le moment ou jamais, déclara Luca. Nous avons quelques jours avant de repartir…

-          Et tu me laisses tout seul ?

Ça les fit rire tous les deux.

-          Tu auras le droit de ramener des filles !

-          Quand même, on a passé trente-cinq ans…

-          Pourquoi, tu trouves que c’est vieux, trente-sept ans ?

-          C’est l’âge d’avoir des enfants, Luca.

-          Une famille alors que nous sommes si souvent sur la route ?!

-          C’est bon, fais ce que tu veux...

Le lendemain en fin de journée, Luca était à Florence. Il trouva un petit hôtel hors des circuits touristiques, puis se rendit à l’adresse d’Angela, qu’il avait notée. Il était six heures et demie, celle-ci était chez elle. Quand il s’annonça à la sonnette, Angela ne le crut pas, et ouvrit sa fenêtre. Elle habitait au deuxième étage, donc pas très haut, et put ainsi reconnaître qu’il s’agissait bien de Luca Tavelli. Son cœur fit un bond, et elle se dépêcha d’ouvrir. Mais une fois devant lui, elle en revenait encore moins. Elle se reprit, le fit entrer dans son appartement. Le chat se pointa, curieux, regarda l’arrivant et ferma puis rouvrit les yeux.

-          Eh bien, Signorino ? lui dit sa maîtresse.

-          Il me connaît déjà. N’est-ce pas… Signorino ? Tu es encore plus mignon, de jour.

Angela se sentit fondre, alors que Luca caressait l’animal.

-          Voul… veux-tu boire quelque chose ? Un apéritif ? Je t’en prie, assieds-toi.

-          Je voudrais surtout parler avec toi. Percer la carapace. Mais je vois que ça va mieux…

-          Mais alors mes rêves… ?

-          Tu es magnifique, Angela.

Elle rougit comme une pivoine, perdit tout à fait contenance, et s’assit. Luca se liquéfia à son tour, toussota.

-          Comment as-tu fait ? demanda enfin Angela. Tu connais même mon adresse !

-          J’étais allé dans ta rue en astral. Je n’ai eu qu’à noter le nom et le numéro de la rue.

-          Je… c’est… Comment fais-tu ça ? Maintenant, tu vas devoir m’expliquer… ajouta Angela.

Ils se regardèrent en souriant. Elle dit encore :

-          J’ai une bonne petite chartreuse, ça te dit ? On aura bien besoin de ça…

-          Va pour la chartreuse. En plus, tu sais vivre…

Angela se leva, et apporta une petite bouteille, deux verres et quelques petites choses à grignoter. Tout en partageant, Luca expliqua comment il sortait de son corps physique, et la façon dont il utilisait ses capacités psychiques et médiumniques : pour le bien des autres, et surtout… pour elle.

-          En somme, c’est exactement ça : je rends leur visibilité à des gens qui ont eu peu d’amour, termina-t-il. En fait, ça fait grossir pour se rendre visible, mais le plus souvent, ça ne marche pas. Même en Italie.

Angela pensa à Tommaso.

-          Oui… ça doit être ça, fit-elle.

-          Moi, je le sais. Tout le monde n’y est pas sensible.

-          C’est space, quand même.

-          Oh, c’est plus fréquent qu’on ne croit. Il suffit d’un peu d’entraînement… et d’y croire. A part ça, c’est quand même la première fois que… que je tombe amoureux d’une fan de mon groupe.

Angela regarda Luca avec de grands yeux. Cela le fit sourire. Elle le trouvait encore plus beau ainsi, avec ses longs cheveux et ses yeux noirs, en tee-shirt soulignant ses pectoraux. Elle lui rendit son sourire.

-          Tu habites dans les Pouilles, alors ?

-          Mes parents. Moi, avec le groupe nous sommes basés à Rome, par commodité. Autrement, je préfère les Pouilles… Et toi, tu es florentine ?

-          Pas exactement. Je suis de Pistoia, c’est toujours la Toscane.

-          Ah. Et… veux-tu…

Luca avait le cœur sur les lèvres.

-          Cherches-tu une groupie… ou dois-je devenir un fantasme moi-même ?

-          Seulement pour moi, alors. Et… éventuellement pour Signorino… Maintenant que je te revois, je te trouve encore plus belle.

-          Mais Luca, ça ne suffit pas… nous ne nous connaissons pas…

-          Qu’à cela ne tienne ma princesse, nous avons pas mal de moyens de nous voir… ou de nous entendre.

Angela le comprit à demi-mot, et il repartit, heureux de l’avoir serrée contre lui et embrassée comme un fou, son numéro de téléphone en poche. Et le lendemain matin il revint, pour réellement entamer une belle histoire, entre Rome, Florence et Bari…

 

© Claire M., 2019

Commentaires
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  • Entrez donc dans l'un des royaumes de l'imagination, la mienne, où vous croiserez êtres fantastiques, âmes en peine, beaucoup de chats... Vous pourrez y trouver d'autres aventures, ou jouer avec moi, les mots... Le continent des lettres est si vaste !
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