Belle histoire d'été
La nouvelle voie des Sirènes.
Elles avaient chanté toute la journée, s’étaient ébattues au milieu des nuages puis, voyant le soleil entamer sa course de l’après-midi, les trois sœurs décidèrent d’aller se poser, quelque part vers la Sicile. Tout en volant, elles chantaient : le beau ciel d’été, le chant des vagues, et Ligée soufflait dans ses flûtes telle Eole commandant aux Vents. Les trois sœurs survolèrent la petite île de ce dernier, qui leur fit, depuis la terre quelques mètres plus bas, un gentil signe de la main. Parthénope lança comme une trille d’oiseau de mer en guise de réponse, mais :
- Poussez-vous, les filles ! s’écria tout à coup Eole.
Les trois sœurs eurent tout juste le temps de descendre un courant créé par le dieu, et sentirent une ombre immense passer au-dessus d’elles. Elles levèrent la tête, et éclatèrent de rire.
- Pégase ! C’est Pégase ! s’exclama Leucosie.
- Bouh ! Qu’il a l’air d’être de mauvaise humeur ! fit Parthénope en riant, et Pégase hennit et décida de s’excuser auprès des trois sirènes.
- Pardonnez-moi, les filles… je préfère rester dans les airs, au moins là, les héros grecs me ficheront la paix... Vous n’en êtes pas, n’est-ce pas ?
- Nous n’avons pas besoin de toi pour voler, reprit Parthénope, riant toujours.
Le cheval fit un clin d’oeil.
- Il faut reconnaître que vous feriez de jolies Amazones…
- Merci, je tiens à ma poitrine ! lança Ligée, et ses sœurs firent chorus, chantant la beauté des femmes.
- Mais ça ne prend pas avec moi… même si votre chant est magnifique.
- Merci, fit Leucosie. Mais tu as l’air de fort méchante humeur…
- Un héros s’est joué de moi pour me kidnapper et se faire emmener afin de tuer la Chimère… j’ai fui dès que j’ai pu. Je ne retournerai pas en Grèce de sitôt, croyez-moi !
- Allons Pégase, c’était sûrement une belle aventure… lui dit Parthénope.
- Pardon, tu as raison. Pour les poètes…
Cela fit rire les trois sœurs.
- Ou veux-tu que nous chantions tes aventures ? proposa Leucosie. Un jour, les hommes les connaîtront…
Parthénope, Ligée et Leucosie se regardaient en souriant, sans plus battre des ailes, et Pégase en fit autant. Alors Parthénope alla caresser le chanfrein du cheval, le baisa même près d’une oreille. Pendant ce temps-là, Ligée commençait à lui tresser sa belle queue blanche, et Leucosie lui caressait le dos, toutes deux ailes déployées. Pégase se remettait peu à peu de ses émotions, mais leur demanda de ne pas toucher à sa crinière.
- Plus personne ne touchera à toi, chantèrent les trois sirènes.
- Sauf vous, les filles… J’aime tant votre chant !
- Tes ailes seraient-elles comme les nôtres ? s’étonna alors Parthénope.
- Il y a des dieux qui se déplacent sans ça, lui fit remarquer Leucosie. Au fait, Pégase, à part cette mésaventure, quelles nouvelles, en Grèce ?
- Ça bouge toujours pas mal. Surtout sur l’Olympe, ajouta Pégase en faisant un clin d’œil. On a surpris Aphrodite et Arès ensemble…
- Quoi, l’Amour et la Guerre ?
Et les trois sœurs éclatèrent de rire.
- Il paraît qu’Eros fait toujours des miracles…
Tous quatre riaient.
- Et maman ? Les Muses ? demanda Ligée.
- Toujours fourrées avec Apollon ou Orphée, à chanter sans fin, à inspirer les hommes. Sur le Parnasse, c’est tout de même plus calme… et plus propice à leurs chants.
- Evidemment, il est fait pour ça… fit remarquer Parthénope.
- J’aime aller sur le Parnasse, de temps en temps, avoua Pégase. Les chants des Muses me font du bien. D’ailleurs, j’y suis passé avant de venir par ici… Et puis aucun héros ne pourra m’y empêcher de brouter l’herbe fraîche...
Les trois sœurs se regardèrent.
- Nous devrions aller voir maman, fit Leucosie. Qu’en pensez-vous ?
- Et nos tantes ! ajouta Parthénope.
- Et si… commença Leucosie, comme prise par une idée subite, enlevant sa main du dos de Pégase.
Ligée en avait aussi fini avec la queue du cheval ailé, qui était encore plus beau, sous le soleil de Méditerranée.
- A quoi penses-u ? demanda-t-elle à sa sœur.
- Eh bien… de nous mesurer au chant avec les Muses.
- A trois Sirènes contre neuf Muses ? se récria Parthénope.
- Et pourquoi pas ? fit Pégase. Vos chants à toutes me font du bien. Rien de tel, après une équipée avec un héros ! C’est d’ailleurs aussi pour cela que je suis passé par le Parnasse en venant vers la Grande Grèce…
- Et tu as vu maman ? demanda Ligée.
- Je ne distingue pas une Muse d’une autre, mais Orphée jouait de la lyre pour les accompagner.
- Ça devait être beau… murmura Parthénope, fermant les yeux à demi.
- Moi, je suis d’accord avec Leucosie. Après tout, on peut bien faire un match amical avec maman et nos tantes…
Parthénope se décida, et Pégase hennit. Peu après, ils se séparaient, et les trois sirènes partirent en direction du Parnasse, en Grèce continentale.
Elles y trouvèrent leur mère, Calliope, occupée à tresser une couronne de laurier pour Apollon, tout en chantant. Toujours aussi majestueuse avec sa couronne d’or sur ses longs cheveux presque blonds, elle s’interrompit en voyant arriver ses filles, qu’elle salua tout maternellement. Pour mieux être cajolées, Parthénope, Ligée et Leucosie serrèrent leurs ailes sur leurs dos. Calliope aimait caresser les plumes de ses filles, et elle était seule à pouvoir le faire, car les trois sirènes intimidaient tout le monde, avec leurs ailes, le bas du corps et leurs pattes d’oiseau. Les hommes les craignaient, ce qui aidait à maintenir la distance entre ces déesses, leurs homologues masculins et surtout les êtres humains. Alors toutes trois étaient heureuses des caresses de leur mère. Puis le dialogue s’instaura, et toutes quatre parlèrent de tout et de rien, mais surtout pas de la marche des hommes. Même ainsi, cela leur faisait de la conversation. Et, fatalement, elles en vinrent à la musique, leur sujet favori avec la poésie épique dont Calliope était la Muse. Cela vint tout naturellement, quand Ligée parla d’un concours de chant entre Muses et Sirènes.
- Mais c’est mon idée ! fit Leucosie en riant.
Le moment était si agréable, que Calliope en eut un sourire, dans un premier temps.
- Vous n’avez pas besoin de nous pour chanter, mes petites filles…. Chargez-vous d’ensorceler les marins, et laissez-nous les poètes, dit-elle ensuite.
- Cela permettrait de passer un bon moment, représenta Parthénope.
- Je pensais simplement à un concours, fit Leucosie sur un ton cajoleur.
- Un concours ?
Calliope fronça les sourcils.
- Pour une couronne de lauriers ! lança Ligée en saisissant celle, inachevée, qu’avait commencé à tresser sa mère.
- Je ne sais pas du tout comment le prendraient mes sœurs. Dans un concours, il y a des gagnants et des perdants…
- Que risquons-nous ? Nous sommes immortelles ! rappela Ligée.
Calliope regarda ses filles, amusée mais anxieuse. Les trois sirènes la regardaient, impatientes de connaître son avis, de préférence positif. L’idée leur plaisait beaucoup, et elles avaient confiance en elles. Calliope le perçut, mais réserva sa réponse, et prit congé pour les laisser manger les fruits des arbres du Parnasse et se rafraîchir dans une source. Quand Calliope revint, elle trouva ses filles alanguies près de cette même source, plongées dans un doux sommeil. Alors elle les laissa en paix, et alla de son côté.
A leur réveil, les trois sirènes furent surprises de trouver auprès d’elles Héra aux bras blancs, femme de Zeus. Cette dernière leur avait porté nectar et ambroisie.
- Cela vous conviendra mieux que les nourritures terrestres… leur dit-elle avec un joli sourire. Vous aussi, vous êtes des déesses.
- A moitié oiseaux, précisa Parthénope.
Mais le sourire d’Héra ne s’effaçait pas.
- Ça ne fait rien. Et c’est ce qui rend votre chant très beau.
Les trois sœurs sourirent et, à l’invitation d’Héra, burent un peu de nectar.
- Cela vous conviendra mieux, pour le concours que vous voulez faire. Votre mère en a parlé à Apollon, et votre frère Orphée sera du jury, avec moi aussi, car je vous protège. J’aime votre chant, vous avez toutes vos chances.
- Oh, merci ! s’exclamèrent les trois sœurs.
- Apollon et Orphée sont en train de le préparer. Je vous ferai signe quand tout sera prêt. En attendant, profitez bien des charmes du Parnasse…
- Mais toi, avec Zeus ? risqua Leucosie.
- Il est trop occupé à me tromper pour s’inquiéter de savoir ce que je fais… comme d’habitude. Pour moi, avec vous la cause sera juste. Et si nous avions douze chanteuses sur l’Olympe, pour charmer nos oreilles à tous ?
A cette idée, Ligée battit des mains, et Héra sourit encore.
- Faites attention quand même, les Muses sont coriaces…
- Mais pas maman, dit Leucosie.
- Mais elle ne peut être juge et partie. Ce sera à vous de vous débrouiller, sans elle.
- Ça ne fait rien, se reprit Parthénope la première.
- Encore un peu de nectar ?
Puis Héra les quitta, les laissant préparer ce concours.
Les trois Sirènes se mirent d’accord, tandis que les Muses en faisaient autant de leur côté. Partout sur le Parnasse, des vocalises, des chants s’élevaient, et Apollon et Orphée allaient ici ou là jouer de leur lyre mais, à vrai dire, Apollon, comme à son habitude, restait plutôt avec les Muses, et Orphée avec ses demi-sœurs… Mais Héra leur laissa le temps puis, au crépuscule, porta à tous et toutes nectar et ambroisie, puis prit place dans l’herbe, entourée d’Apollon et d’Orphée.
Les Muses se mirent presqu’aussitôt à chanter, a cappella, sauf Terpsichore qui ne fit que danser, ce qui fit tiquer Héra. Apollon, subjugué, écoutait ses Muses dans cette belle langue grecque déjà si musicale. Il tiqua à son tour, quand Uranie, trop dans les aigus, se mit à faire des fausses notes. Calliope était un peu anxieuse, mais n’en laissa rien paraître, si bien que son chant n’en fut pas altéré. Ces faux pas mis à part, Orphée exigea un choeur avec toutes les Muses, y compris Terpsichore, mais cette dernière se contenta de jouer de sa harpe tout en battant la mesure, ce qui fit bouger toutes les Muses. Apollon soupira, puis Héra mit fin à cette première partie du concours.
Peu après, ce fut le tour des trois Sirènes, qui interprétèrent quelques beaux chants d’oiseaux, auxquels Orphée fut particulièrement sensible. Mais cela se corsa quand Ligée saisit ses flûtes, Leucosie sa lyre, laissant chanter Parthénope.
- Non, dans les mêmes conditions que les Muses, exigea Apollon. A cappella. Ligée, tu as fait n’importe quoi avec tes flûtes.
La sirène s’empourpra, mais ne dit rien, et obéit. En posant sa lyre, en colère à cause d’Apollon, Leucosie en cassa une corde, et l’instrument émit un son discordant. Parthénope rattrapa le coup avec un chant parfait, et ses sœurs s’unirent à elle, a cappella comme demandé. Orphée ne put s’empêcher d’applaudir, mais Apollon lui lança un regard qui le fit cesser aussitôt. Héra posa chacune de ses mains sur le bras de ses deux voisins. Les trois sirènes purent chanter, malgré la nervosité de Ligée et de Leucosie. Héra en ferma les yeux et, de son côté, Calliope essayait de se tranquilliser quant au sort de ses filles. Quand le chant s’arrêta, les notes restèrent en l’air, tenues par les trois Sirènes. C’était le final.
- Ça ne prend pas avec les dieux, songea Orphée, et il se mit à craindre le pire pour ses sœurs.
Peu après, tous trois se mirent à délibérer, tandis que Leucosie donnait libre cours à la fureur d’avoir cassé une corde de sa lyre, ce qui, à ses yeux, avait ruiné tous leurs chants, tous leurs espoirs. Et Parthénope, songeuse, repensait à Héra, quand cette dernière espérait trois chanteuses de plus sur l’Olympe… Mais, malgré ce qu’elles qualifiaient de simagrées de Terpsichore qui n’avait pas chanté, et les fausses notes d’Uranie, les trois Sirènes n’étaient pas tranquilles. Calliope voulut les rejoindre, mais sa sœur Euterpe l’en empêcha, parlant vivement comme à son habitude, s’étonnant qu’elle ait accepté pour ses filles un tel concours de chant. Enfin, Héra s’avança pour annoncer la victoire des Muses, et remercia toutes ces dames d’avoir participé, précisant que même ainsi, toutes avaient le droit de venir ravir les oreilles des dieux de l’Olympe.
- Non ! s’écria Terpsichore, qu’Apollon retenait à grand-peine. Ce sont de vulgaires amatrices !
Calliope s’empourpra, et ses filles blêmirent.
- Des oiseaux ! Elles ont fait des chants d’oiseaux ! criait Terpsichore, et, échappant à Apollon, elle se rua sur Leucosie qui essayait de remettre une corde sur sa lyre, et se mit à lui arracher les plumes.
Leucosie commença à se défendre, toutes deux criaient, Parthénope voulut s’interposer, mais Uranie lui tomba dessus pour lui faire subir le même sort. Parthénope se mit à la griffer de ses serres d’oiseau, et Euterpe suivit le mouvement, pour plumer Ligée. Apollon tenta d’en empêcher les trois Muses, Héra se joignit à lui, tandis que Calliope, sous le choc, tremblait pour ses filles, et Orphée entreprit de l’apaiser, alors c’était un beau chahut, sur la cime du Parnasse. Les Sirènes, immobilisées par leurs rivales, se trouvèrent entièrement plumées, nues, et durent en plus subir les quolibets de leurs huit tantes. Héra était furieuse de l’attitude des Muses et parla d’en référer à Zeus, mais Apollon intervint alors.
- Ce n’est pas ainsi que cela aurait dû se passer, dit-il. Qu’ont donc mes Muses, quelles mouches les ont piquées ?
- Mes sœurs sont jalouses, d’horribles jalouses ! Mes pauvres filles, comment allez-vous faire, sans vos ailes ?
Les trois sirènes avaient froid, étaient en larmes. Le peu qui restait de leurs ailes pendait lamentablement, et Calliope était aussi en pleurs qu’elles, ne savait que faire.
- Maman, voulut la rassurer Orphée, on va trouver une solution. Mes soeurs ne peuvent rester ainsi. Ô Héra, peux-tu quelque chose pour elles ?
- Je le souhaiterais, mais… je ne sais quoi faire. Et leur final était si beau, si beau ! Apollon, as-tu une idée, toi ?
- Un instant, ô Héra, répondit-il, et il se tourna vers les huit Muses, se fâchant comme jamais, et leur disant d’aller voir ailleurs s’il y était.
Comme il était dieu, il fut entendu, et les Muses, sauf Calliope, déguerpirent. Orphée put enfin calmer quelque peu sa mère, qui mit sa tête dans l’eau d’une source. Puis Héra, la soutenant, la fit asseoir dans l’herbe. Tout cela laissa le temps à Apollon pour réfléchir un peu. Orphée était avec ses sœurs, désormais, pour les consoler, les rassurer. Apollon prit enfin la parole, et se tourna vers les sirènes.
- Je ne peux malheureusement pas vous rendre vos ailes, mais je vous propose d’accéder à vos désirs. Sans doute ne voulez-vous plus vous montrer…
- Même le monde d’Hadès serait préférable, sanglota Leucosie.
- Non, pas l’Hadès, ce serait dommage. J’y ai perdu ma femme… et je ne veux pas que mes sœurs y aillent aussi.
Les trois sirènes baissèrent la tête.
- Je sais, dit enfin Parthénope. Ligée, Leucosie, que diriez-vous du fond des mers ?
- Avec nos pattes d’oiseaux ? hoqueta Ligée. Dans l’état où nous sommes ?
Alors Apollon eut un sourire.
- Vous oubliez ma relation avec les dauphins près de mon temple, à Delphes, ici en bas, dit-il. Je peux vous faire obtenir une queue de poisson, et vous confier à Poséidon. Et vous pourrez chanter, dans et hors de l’eau, et perdre les marins comme vous le faisiez.
Alors les Sirènes reprirent courage, et acceptèrent. Apollon et Orphée, aidés de Dionysos venu à la rescousse (il n’était jamais loin de là où il y avait de la frénésie….), portèrent les trois sirènes, suivis de Calliope, au bas du Parnasse, à Delphes. Apollon, qui portait Parthénope, prit la tête du cortège pour entrer en son temple, désert car il faisait nuit. Il appela Poséidon, et lui exposa la requête des sirènes, résumant ce qui venait de se passer.
- Bien sûr, ô Apollon, les Sirènes sont les bienvenues. Tout comme moi, elles resteront immortelles, et seront les princesses des mers. Pauvres petites ! Toi, la digne brune, approche.
Parthénope obéit, et Poséidon la prit par la main, prenant une conque de l’autre. Il souffla dans l’objet, puis dit encore :
- A toi, la jolie blonde.
Rosissante, Leucosie vint en sautillant, et Poséidon lui dit encore de prendre la main de Parthénope, souffla de nouveau dans la conque, et enfin, appela celle aux cheveux couleur corbeau, Ligée. Et les trois sœurs, se tenant par la main, sortirent du temple avec Poséidon. Calliope, Orphée, Apollon et Dionysos les suivirent, curieux. Parthénope entra dans la mer la première, et alors Calliope demanda :
- Ô Poséidon, pourrai-je revoir mes filles ? Je ne sais pas nager…
- Oui, tu pourras le faire tant que tu voudras, digne mère des Sirènes. Elles pourront tout à fait s’alanguir sur les rochers, les récifs, les bords de mer. Là, tu pourras les voir à ta guise.
- Je te remercie.
- Maman, ça va ? s’enquit Orphée, ému lui aussi.
- Un peu mieux.
- Vas-y, jolie brune, incita Poséidon.
- Je m’appelle Parthénope.
- Tu as raison d’indiquer ton nom.
Et chaque sirène, de ce fait, en arrivant dans l’eau, dit son nom avant de plonger, et de réapparaître aussitôt. Poséidon soufflait dans sa conque, et enfin son fils Triton arriva, accompagné de dauphins curieux, auxquels Apollon fit des signes d’accointances.
- Triton, tu vas faire de ces jeunes filles tes sœurs. Donne-leur une jolie queue de poisson comme la tienne, et débarrassons-les de leurs moignons d’ailes, que ça me fait pitié...
Triton fit signe qu’il avait compris, souffla dans sa trompette et obéit sur-le-champ. Les trois sirènes nouvelles se trouvèrent émerveillées de leur nouveau corps, et :
- Sacré Zeus ! Que vous êtes belles ! ne put s’empêcher de s’exclamer Dionysos.
- C’est pour mieux perdre les marins… N’est-ce pas ce que nous étions censées faire ?! fit doucement Parthénope.
Calliope sourit à ses filles et, le cœur moins triste, remonta sur le Parnasse avec Orphée, qui lui joua de sa plus belle musique.
Les trois sirènes se trouvèrent vite à l’aise, dans les ondes bleues de la Méditerranée, firent tourner la tête à quelques hommes par leurs chants et leurs appâts… Cela dit, elles n’étaient que trois, ainsi, outre Triton qui était de bonne compagnie, mais elles se sentaient quand même un peu seules. Elles s’en ouvrirent à lui, tout en découvrant les splendeurs de la Grotte bleue de Capri. Et Triton n’eut pas à réfléchir longtemps.
- Nérée, qui était là avant Poséidon, a eu cinquante filles, des vagues de la mer. Elles n’ont pas de queue de poisson, mais c’est tout comme. Je suis sûr que mon père serait ravi de la leur accorder. Il suffit qu’il s’entende avec Nérée…
- Oh oui ! firent les trois sœurs à l’unisson, et le son de leurs voix emplit la Grotte.
L’acoustique était telle, qu’elles continuèrent à chanter, un chant qui fut entendu par toute la Méditerranée, de ce fait. Les Néréides se joignirent effectivement à elles, en ce même lieu magique. Et, par touts les mers, toutes ces sirènes chantèrent, perdirent des marins, moins peut-être vers Naples, une belle ville pour laquelle, elle ne savait trop pourquoi, Parthénope avait une tendresse particulière, et cette attirance perdura pour les siècles des siècles…
© Claire M., 2021