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l'imagination au pouvoir
21 novembre 2021

Très actuel, n'est-il pas ?

De Proche en proche.

 

-          Cette fois-ci, on va y arriver, crénom d’un homme ! déclara le professeur Camar Cobur.

-          Pas si vite… C’est bien la première fois que nous nous y prenons autrement, rappela Lehela Ximar, sa coéquipière. Et comment comptez-vous aller sur l’un des plus grands pays de la Terre, sans vous faire voir ?

-          Je serai aidé. Nos meilleurs éléments travaillent avec moi, ou sur Terre depuis des années.

-          Heureusement que nous pouvons ressembler à des Terriens…

-          Ne vous en faites pas, Lehela. Le plus compliqué sera de trouver le bon  animal.

-          Que Zamda vous entende ! Leonardo et Michelangelo ont échoué, et...

-          C’était trop tôt. Maintenant, nous les connaissons, les hommes.

-          Je vous rappelle notre échec cuisant avec Albert, qui avait pris fait et cause pour les Terriens… Il aimait les Juifs, les Japonais… Il a refusé de cautionner la bombe atomique. Vous avez  oublié, professeur ?

-          Elle a explosé quand même. Et il n’y a pas eu de Nuremberg pour ça, du moins pour  ce que j’en sais.

Mais Lehela était sceptique.

-          Combien d’enfants avez-vous eu, Lehela ?

-          Euh… dix.

-          C’est dans la moyenne d’Illontia. Bientôt, nous ne pourrons plus rester tous sur notre planète, et ça urge !

-          Je ne suis pas sûre que la Terre soit un bon choix, insista Lehela.

-          C’est la planète habitable la plus proche de la nôtre. Ce sera moins compliqué pour s’y installer.

Lehela soupira. Camar Cobur avait toujours raison, c’était son travail. Aussi elle ne dit rien, et fit les tâches demandées. Bientôt, Camar partirait sur Terre, accompagné de Blano Cholo, qui était de toutes ses équipées. Ce dernier admirait les paysages terrestres, où qu’il aille, même en plein Antarctique. Lehela dut laisser faire et, la veille du départ, elle prépara tout ce dont le professeur et son équipe auraient besoin pour leur séjour sur Terre, qui pourrait durer si cela s’avérait nécessaire. Puis elle les regarda partir, dans leur petit vaisseau, en direction du  système solaire.

Le petit astronef atterrit à Xi’an, en pleine Chine, dans un endroit calme, non loin des grottes de Longmen, où ils espéraient trouver, là ou dans les montagnes alentour, des animaux propres à la consommation humaine. Mais l’équipe de Camar Cobur trouva ces grottes fermées. Un panneau indiquait, en chinois et en anglais, la villa de Tchang Kai-chek, en plus des horaires d’ouverture.

-          Qui c’est, celui-là ? bougonna Xion Leeroy.

-          Sûrement un grand personnage. Je suggère d’aller dans les montagnes, dit Blano. A moins d’aller dans la ville la plus proche.

-          De toute façon, les Chinois mangent n’importe quoi. Si nous ne trouvons pas de chauve-souris, on se rabattra sur autre chose, fit l’unique femme, Milarka Sunet.

-          Ils ne sont même pas obligés de les manger, rappela Camar. Les virus circulent si facilement….

-           Mais c’est dommage, cet endroit est beau, reprit Milarka.

-          On s’en fout, nous ne sommes pas là pour faire du tourisme, rappela encore Camar.

-          Que vous êtes prosaïques ! Voulez-vous la Terre, oui ou non ? fit Xion.

-          Quelle est la ville la plus proche, Blano ? demanda Camar sans faire plus attention à Xion.

-          Luoyang, professeur.

-          Et c’est une ville importante ?

-          Relativement. A l’échelle terrestre, la Chine fait partie des pays démesurés.

-          Alors tentons Luoyang, décida le professeur Cobur. Tant pis pour ces grottes.

-          Il y a là de très belles statues, représenta Blano. Il faut être curieux….

-          Oui, la Terre est si belle !

Camar Cobur fusilla Blano et Milarka du regard, et tous deux se turent.

-          Blano, je te charge d’atterrir discrètement à… Luoyang.

-          Bien, professeur. Quant à vous tous, faites attention à masquer nos doigts surnuméraires.

-          Oh ! s’exclama Xion, qui n’y pensait plus.

Le voyage fut si rapide, Luoyang n’étant qu’à une dizaine de kilomètres, qu’ils ne masquèrent leurs sixièmes doigts et aussi leur excroissance due au troisième œil, qu’à la toute fin du trajet. Le cadre était magnifique, entre plaines et montagnes, et toute l’équipe poussa un « oh ! » d’admiration.

-          Qu’il doit faire bon vivre là ! s’exclama le professeur Cobur lui-même.  

-          Quelles sont ces statues ? demanda Milarka.

-          De leur Zamda, probablement, répondit Blano. Qu’en pensez-vous, professeur ?

-          La même chose que toi.

-          Et vous comptez trouver des chauves-souris en ville ? s’étonna Xion.

-          Que vous êtes rabat-joie ! Mais nous avons le temps, fit Milarka.

-          Combien d’enfants avez-vous, déjà ? lui rappela Xion.

-          Douze…

-          Et Illontia ne peut accueillir tout le monde, c’est pour ça que nous sommes ici, reprit Camar. Moi, j’en ai vingt, des enfants… et trois femmes.

Tous soupirèrent.

-          Bon, eh bien au travail, comprit Blano.

Et ils cherchèrent toute la journée où trouver des chauves-souris. Mais Luoyang n’était pas faite pour cela… Finalement, ils se replièrent vers la montagne, mais ils étaient si fatigués, qu’ils s’allongèrent pour dormir à la belle étoile, après avoir dîné de rouleaux de printemps achetés en ville. Seul Blano veilla, une carte de Chine à la main. Quand il fut fixé sur ce qu’il fallait faire, il put s’endormir. Et aucune chauve-souris ne vint les déranger. Mais ils se réveillèrent en se grattant, à cause des moustiques. Le professeur Cobur fut le premier à comprendre de quoi il s’agissait, et eut un petit rire.

-          Ces idiots de moustiques ne savent pas à qui ils se prennent…

Et toute la compagnie éclata de rire. Blano sortit de sa trousse de quoi apaiser les piqûres, et Milarka, ce qui tiendrait lieu de petit déjeuner. Tout en mangeant, Blano expliqua :

-          J’ai consulté la carte chinoise, et je crois que je sais où nous pouvons aller, pour décimer le plus possible d’habitants.

-          Ah ! C’est bien, tu as bien fait, le félicita Camar Cobur, et tous sourirent.

-          Notre virus ne connait pas les frontières, rappela Blano, et les Chinois mangent de tout… Il y a un marché à Wuhan, nous n’avons qu’à nous  y rendre, et à inoculer le virus aux bestioles que consomment les habitants.

-          Et nous serons en ville, alors ? comprit Milarka.

-          Nous réduirons nos doigts et nos glandes pinéales, voilà tout. C’est entendu, Blano, décida Camar, mais il demanda quand même : Vous êtes tous d’accord, n’est-ce pas ?

Le « oui ! » fut unanime, aussi, dès après le petit déjeuner, ils allèrent retrouver leur petit astronef, que Blano conduisit jusque  dans les environs de Wuhan. Milarka aiguisa ses sens, alors qu’ils se rapprochaient du sol, et avisa des pangolins. Intéressé, Xion en fit autant, et aperçut des chauves-souris en train de dormir. Tous deux firent part de leurs découvertes respectives, alors Blano atterrit sans attendre, tout doucement, pour ne pas effrayer les animaux. Ils savaient les amadouer, en ayant l’habitude sur leur planète. Pangolins et chauve-souris absorbèrent leur virus, certains furent relâchés dans la nature, et ils gardèrent une demi-douzaine de pangolins, qu’ils allèrent vendre au marché de Wuhan, à qui en voudrait. Puis ils se fondirent dans la masse, pour découvrir une ville bien plus grande que Luoyang, très moderne, et y chercher un hôtel pour eux quatre.

Après cela, ils attendirent quelques jours, pour voir comment cela allait se passer. Au bout de trois jours, des cas d’une maladie inconnue apparurent à Wuhan. Passées les premières questions des hommes, il commença à y avoir quelques décès, et les Illontiens, pour faire comme tout le monde et maintenir leur illusion, mirent des masques sur leurs visages, bien qu’ils n’en aient pas besoin. Ils restèrent encore un peu, il y avait de plus en plus de morts, de gens contaminés, et la petite troupe assista, non sans amusement, au montage d’un hôpital supplémentaire pour pouvoir accueillir tous les malades. Puis, suivant le mouvement, ils partirent en Iran dans leur astronef. A vrai dire, leur virus les avait précédés, il y avait déjà des cas graves dans ce pays, des morts, et vu l’impéritie des dirigeants locaux, et la nouveauté d’un tel virus, Camar se frotta les mains, dans leur hôtel de Téhéran.

-          Ils ne contrôlent rien !

-          Ton plan est magnifique, confirma Blano. Et vous, Xion, Milarka, qu’en pensez-vous ?

-          Nous nous sommes attaqués à l’un des plus grands pays, et surtout le plus peuplé, rappela Xion. Mais maintenant, il s’agit d’atteindre l’Europe et l’Amérique, pour le moment. Où voulez-vous initier la poursuite de l’attaque, professeur ?

-          Euh… j’ai besoin d’une carte.

Blano la lui fournit aussitôt.

-          Je dirais qu’il faut passer par… la Méditerranée. C’est un carrefour, dit enfin Camar, et Milarka le lui confirma.

-          La Grèce et l’Italie sont de bons candidats, ce sont les plus beaux pays d’Europe, ajouta-t-elle.

Blano la regarda en souriant.

-          Alors, il faut que les Chinois aillent en Italie, fit Camar, enchanté à l’idée d’investir un pays aussi renommé pour sa beauté et sa culture. N’est-ce pas Flix Yesa, qui y travaille pour nous ?

Milarka réfléchit un instant, et répondit par l’affirmative. Camar utilisa aussitôt ses pouvoirs télépathiques.

-          Flix, mon vieux, où êtes-vous ?

-          Dans les Balkans, lui répondit l’intéressé.

-          Impeccable. J’aurai à vous parler. Avez-vous entendu parler de notre nouvelle idée, pour nous installer sur Terre ?

-          Je sais bien quelle est votre intention, mais quel est votre nouveau plan foireux ?

Camar fit la grimace, à ces mots, et le reste de la troupe étouffa un rire, en le voyant.

-          Je vais vous l’expliquer.

Et il raconta ce qu’ils avaient fait, ce qui fit dire à Flix que cela pouvait fonctionner. Il préconisa une région peuplée du nord de l’Italie, en Lombardie, et leur donna rendez-vous à Milan trois jours plus tard, le temps pour lui de rentrer en Italie et de faire venir quelques touristes chinois.

-          Et vous verrez : leur cathédrale est de toute beauté, ajouta Flix.

-          Une cathédrale ?

-          C’est là qu’ils prient Zamda, ou un autre de ses avatars. A Milan, c’est de la dentelle.

-          Qu’est-ce que de la dentelle ?

-          Ah, professeur, vous voulez envahir la Terre en en ignorant les beautés culturelles, géographiques… et humaines. Et vous avez tort.

-          Ah, monsieur Yesa, je ne vous permets pas ! fit Camar en prenant un air pincé.

-          Vous ne connaissez pas les Terriens comme je les connais. Rendez-vous à Milan, professeur.

L’excroissance de la pinéale de Camar reprit une teinte et une grosseur normale, et il exposa à son équipe l’échange qu’il venait d’avoir. A son expression, les trois autres se retenaient de rire. Enfin, Blano lui tapa sur l’épaule.

-          Allez, notre projet est en bonne voie, professeur ! Jusqu’à maintenant, le plan fonctionne…

-          En plus, Flix est un bon élément, ajouta Xion.

-          Mais il nous a vus nous planter plus d’une fois, grommela Camar.

-          Ça ne fait rien. Allons nous délecter de pâtisseries orientales, et parlons de notre plan, engagea Blano, ce qui fit rire les autres, car il était un bon vivant.

-          Alors n’oublie pas tes cartes, fit Camar avec un sourire. Et continuons de parler en illontien.

-          Oh, il ne fait pas chaud, nous devrons aller à l’intérieur de l’endroit où nous prendrons notre goûter, fit remarquer Milarka.

-          Raison de plus pour parler illontien, déclara Camar. Et n’oubliez pas votre voile, Milarka.

Cette dernière rechigna.

-          C’est complètement idiot !

-          Nous devons nous fondre dans la masse. Ici, toutes les femmes sont voilées.

-          Quand nous serons installés ici, on déboulonnera leur Zamda ! râla encore Milarka.  Voiler les femmes sans une raison valable ! Encore heureux que nous soyons en hiver !

Et en guise de voile, elle utilisa une écharpe.

-          Vous devez cacher tous vos cheveux, dut lui rappeler Xion.

-          Quelles andouilles ! éructa Milarka, de plus en plus mauvaise humeur.

Elle fit un chignon de ses longs cheveux bruns, qui disparurent plus ou moins sous l’écharpe.

-          Vous êtes très jolie, comme ça, voulut la rassurer Camar, mais Milarka était si contrariée, qu’elle ne releva pas le compliment.

Et ils sortirent. Aidés de Blano et de ses cartes, ils purent se repérer, tout en buvant du thé à la rose avec des pâtisseries au goût délicieux. Milarka ne disait pas grand-chose, préférant jouer les secrétaires. Quelques cheveux rebelles folâtraient quand même sur son cou, alors Xion y mit son bras. En revenant à leur hôtel, ils firent leurs bagages, et voulurent partir séance tenante pour l’Italie, le temps de retrouver leur astronef. Milarka n’en pouvait plus de ce pays, et Camar voulait agir. Mais on les coinça à la porte.

-          Vous voulez partir sans payer ? leur dit-on sur un ton peu amène.

-          Pas du tout, non, nous allons payer, répondit fort civilement Camar.

-          Vous pourriez faire ça à une heure plus décente… En plus, le pays est fermé à cause de… du…. coronavirus.

Les quatre Illontiens se regardèrent. Blano biaisa.

-          Qu’est-ce que c’est que ce… conora… euh…

-          Un virus extrêmement dangereux, qui peut être mortel. Vous ne regardez pas les informations ?

Tous quatre étaient gênés, finirent par rétrograder, et retournèrent à leurs chambres. Milarka piqua une crise, que Xion géra du mieux qu’il put.

Le  lendemain, quand ils furent enfin dans l’astronef, Milarka arracha l’écharpe de sa tête, et défit son chignon qui partait dans tous les sens, secouant la tête, et Camar et Xion en rirent.

-          Vivement l’Europe ! grinça Milarka. Mais je me vengerai !

-          Oh, n’est-ce pas ce que nous sommes en train de faire ? insinua Camar.

Le voyage fut fait sans encombre, même si trouver un endroit pour atterrir discrètement s’avéra un peu difficile. Mais Camar ne voulut pas descendre de l’astronef avant d’avoir rappelé Flix, pour savoir où il en était.

-          Ah, oui, Camar…

-          Mais que vous arrive-t-il, Flix ? s’étonna Camar. Vous êtes disponible ?

-          Oui, pardonnez-moi, je suis un peu chamboulé… Je suis à Nice avec une déesse…

-          Mais qu’est-ce que vous fichez ?

-          On a dit deux jours, Camar. Laissez-moi profiter de la Côte d’Azur.

-          J’espère que votre déesse est chinoise ?

-          Non, grecque.

Camar eut un soupir d’agacement, et Flix reprit :

-          Toutes les déesses sont grecques…

-          Trouvez-moi des Chinois intéressés par l’Italie, c’est tout ce que je vous demande !

-          Allez visiter le Duomo, et vous comprendrez pourquoi il n’y aura pas de problèmes. Je vous y donne rendez-vous après-demain matin, ça vous va ?

-          Oui, merci, Flix, grommela Camar, puis il annonça à sa petite troupe qu’ils allaient faire du tourisme, ce qui réjouit Blano.

Et effectivement, la cathédrale de Milan sidéra les quatre extraterrestres. Milarka et Camar ne cessaient carrément de s’extasier alors que, pour ce dernier, il en fallait vraiment beaucoup pour déclencher une telle admiration. Ils allèrent aussi dans les rues commerçantes, et Xion et Blano firent le plein de livres, alors que Camar offrait un joli bijou à Milarka.

-          Et que les Italiennes sont belles ! s’extasiait Blano, de son côté.

-          Pas de gaffe, lui dit Xion tout en lui faisant une bourrade.

Plus tard, ils se régalaient de spécialités locales, et déclaraient n’avoir jamais rien mangé d’aussi bon. Ils trouvèrent enfin un hôtel, et y dormirent comme des loirs.

Le lendemain, ils firent un tour à l’aéroport, remarquant quelques Asiatiques, mais en somme, il n’y avait pas grand-chose à y voir.  Alors ils revinrent dans le centre de Milan, ses rues, ses galeries dont l’architecture les emballa tout autant que celle de la cathédrale. Enfin, ils retrouvèrent Flix au lieu dit, relativement tôt. Il s’était bien mis, vêtu à la dernière mode terrestre, ses cheveux rassemblés en un petit catogan, et un grand sourire aux lèvres.

-          Alors professeur, cette invasion ? On va enfin y arriver ? fit-il après les civilités d’usage.

-          Avez-vous entendu parler du… coronavirus ? demanda Camar sans s’embarrasser de questions rhétoriques.

-          Ah, c’est vous qui êtes derrière tout ça ? Alors je vous tire mon chapeau ! Les Chinois et les Iraniens n’ont jamais eu si peur ! Mais les Chinois arrivent, ils espèrent fuir la province de Wuhan...

-          Eh bien, c’est raté.

Camar jubilait, en disant cela. Il ajouta :

-          Et tous les Terriens vont l’attraper !

-          Je dois reconnaître que pour une fois, vous êtes plus malins que d’habitude… reconnut Flix.

-          Merci du compliment, fit Camar en prenant un air pincé, et les trois autres éclatèrent de rire.

Flix tapa sur l’épaule de Camar.

-          J’ai suivi quelques Chinois, hier après-midi. Deux sont partis à Codogno, à une soixantaine de kilomètres d’ici, et les autres sont restés à Milan. Ceux qui sont à Codogno sont porteurs de ce virus… Comment l’avez-vous appelé ?

-          Ce n’est pas nous qui l’avons baptisé, mais les Terriens, précisa Xion. Vous pouvez le redire, Blano ?

-          Oui, c’est le coronavirus. Il faut reconnaître que SARS-Cov-2 est plus difficile à retenir.

-          Mamma mia ! fit Flix, ce qui fit sursauter les autres, et il comprit immédiatement. Excusez-moi, c’est à force de fréquenter les Italiens…

-          Vous êtes drôlement acclimaté… vu votre tenue, aussi… observa Camar.

-          Et en plus, je suis amoureux d’une jolie Grecque…

-          J’espère que vous ne lui avez pas parlé d’Illontia... s’inquiéta encore Camar.

-          Nous ne sommes pas ensemble depuis assez longtemps pour que je le lui dise. Mes sixièmes doigts et ma pinéale sont un peu compliqués à gérer, mais je m’en sors. Cela dit, ça m’embête de lui cacher ça…

-          Bon, nous verrons, dit très vite Blano, en voyant Camar froncer les sourcils. Pour l’instant, que faisons-nous ?

-          Je vous emmène dans la meilleure pâtisserie de Milan, décida Flix. Suivez-moi.

-          Juste une question, fit Camar. Est-ce à cause de vos amours, que j’ai parfois du mal à vous joindre par télépathie ?

Flix se gratta le nez, un peu gêné.

-          Je ne sais pas, mais c’est fort possible.

-          Ne faites pas tout capoter, c’est tout ce que je vous demande.

-          Oui, professeur.

Mais très vite, Flix retrouva le sourire. En plus, ils allèrent se régaler dans une galerie de Milan, tout en discutant de leurs projets pour la Terre. Mais au bout d’un moment, Flix demanda à Milarka :

-          Mais qu’est-ce que vous avez à vous gratter comme ça ?

-          Ça doit être les moustiques des montagnes chinoises. Nous y avons dormi dans l’herbe.

-          Oui, moi aussi ça me gratte encore, avoua Blano.

-          Je vous remettrai de la pommade, dans l’astronef, promit Milarka.

-          Et où l’avez-vous garé ?

-          En pleine campagne, répondit Blano.

-          Ah, bon, j’aime mieux ça. Mais moi,  j’ai appris à conduire une voiture.

-          Vous avez bien fait, convint Camar. Si vous en avez une, vous nous reconduirez à l’astronef…

-          Bien volontiers… Vers Codogno, ce n’est pas désagréable, mais Afroditi m’a fait découvrir, au nord, la région des lacs. Et c’est magnifique, il y a peu d’habitations…

-          Si seulement nous avions ça à Illontia… se prit à rêver Milarka. Nous avons dû construire partout…

-          Alors ça n’a pas changé…. Je n’ai aucune envie d’y retourner. Mais la Terre est très belle ainsi, il ne faudra pas la gâcher.

-          Depuis combien de temps n’êtes-vous pas retourné sur Illontia ? demanda Xion à Flix.

-          Euh… ça doit faire cinq années terrestres, au moins. Vous comprendrez pourquoi en visitant l’Italie, et… pourquoi pas, rencontrer Afroditi.

-          Et où l’avez-vous rencontrée, cette… Afroditi. ? s’enquit Camar.

-          A un congrès à Lyon, en France, où elle représentait la Grèce. Elle a tout : belle, intelligente… elle est polyglotte. Depuis notre rencontre, nous ne nous sommes plus lâchés. Je voudrais rester sur une île, italienne ou grecque, avec elle.

Toute la compagnie regarda Flix, tous  quelque peu ahuris.

-          Je ne sais pas si c’est bien raisonnable, dit enfin Camar.

-          Se mettre avec un Illontien, pour un Terrien, n’est pas incongru, rappela Xion. Certains l’ont fait, c’est juste qu’ils ont moins d’enfants que nous…

-          Ça dépend à quelle époque, tempéra Flix.

-          Mais les Terriens ont rarement plus d’un, ou quelquefois deux ou trois enfants d’un coup. Nous, nous faisons comme les chats ou les lapins, remarqua Milarka.

Mais tout le monde sourit. Flix eut bien une pensée sur la sexualité de ses congénères et ses conséquences, mais préféra se taire. Il aimait réellement la Terre. Il finit par demander s’ils voulaient rencontrer Afroditi, et, curieux, ses collègues acceptèrent. Alors Flix sortit un téléphone portable pour la prévenir, sur quoi ils quittèrent la pâtisserie pour aller, tranquillement, montrer leur astronef à Flix puis venir dans la banlieue milanaise où il vivait avec sa belle Grecque. Mais Blano et Xion se grattaient de plus belle, malgré la pommade dispensée par Milarka. Les présentations furent faites, mais dès qu’ils virent Afroditi, Camar, Blano et Xion eurent un « oh ! » d’admiration. Outre un corps parfait et de jolis vêtements, elle portait un masque vénitien magnifique, comme elle aimait à le faire, ce qui rehaussait sa beauté. Des mains se serrèrent mais  Blano eut un « Qu’elle est belle! Mais qu’est-ce que ça gratte ! » en illontien, tout en se penchant vers une piqûre de moustique mal placée.

-          Quelle est cette langue ? Ça ne ressemble à rien que je connaisse ! s’étonna Afroditi. En tout cas, elle est très musicale.

Flix soupira. Ses imbéciles de compatriotes avaient encore gaffé.

-          Viens voir ici, dit-il à Blano en italien, et ce dernier, prenant un air piteux, obéit.

Flix parvint à relever le pantalon bouffant typiquement illontien de son compère, et sa main attrapa le moustique fautif, qui était resté coincé là, sans le tuer.

-          Qu’est-ce que c’est ? demanda Afroditi, intriguée. Vous venez du Maghreb ?

-          Oui, préféra mentir Camar, tandis que Flix ouvrait la fenêtre, laissant le moustique s’échapper, non sans avoir murmuré quelque chose à l’animal.

Comme ils étaient tous bruns, Afroditi goba le mensonge, mais regarda Flix, l’air plutôt embêté.

-          Qu’y a-t-il, ma douce ?

-          Je suis en train de préparer des travers de porc…

-          Et alors ? gaffa de nouveau Blano.

Afroditi commençait à se douter de quelque chose, Flix le comprit tout de suite.

-          Rassure-toi, ils ne sont pas pratiquants. D’autant que tes travers de porc caramélisés sont délicieux. Vous m’en direz des nouvelles, les amis !

A cette évocation, Xion passa sa langue sur ses lèvres, et Afroditi eut un petit rire.

-          Ah, c’est pour ça que vous venez en Europe !

-          Leur cuisine est délicieuse, reconnut Camar. Surtout ici…

-          A l’occasion, je vous ferai de la cuisine grecque, dit Afroditi de dessous son masque, qui cachait mal son sourire, et les quatre hommes se sentirent liquéfiés, surtout Flix bien sûr. Mon petit amour, tu leur proposes l’apéritif ? S’ils mangent du porc, ils peuvent aussi boire de l’alcool...

Ainsi firent-ils, Blano redemandant même du spumante.

-          Tu as de la chance qu’Afroditi soit en cuisine. Comme musulmans, vous êtes nuls ! Elle va finir par comprendre ! dit Flix en italien. Et parlez italien, je vous en supplie !

Blano et Camar en rougirent, ce qui fit rire Milarka.

-          Et vous croyez qu’elle comprendrait, Flix ? demanda Xion.

-          Ma compagne est loin d’être sotte. Ne parlez surtout pas en illontien, même pour jurer ! Compris ?

Camar s’empourpra à nouveau, mais Flix le regarda d’une telle façon, qu’il fit profil bas.

-          Alors, que préférez-vous ? L’italien, ou le grec ? demanda encore Flix.

-          L’illontien !

Tous sursautèrent, et Flix se retourna : Afroditi avait enlevé son masque au long nez, pour mieux se cacher derrière une porte.

-          Mamma mia, redit Flix.

-          D’où venez-vous ? Qu’est-ce que l’illontien ?

-          Je crois que ta pinéale marche mal, dit Xion à Flix sur le ton de la conversation.

-          Répondez à ma question !

-          Flix, je vous laisse faire, soupira Camar.

-          Alors, prenez notre physique habituel. Tu verras, ma douce, il n’est pas très différent.

Puis Flix expliqua, devant une Afroditi médusée, qu’ils venaient de Proxima b du Centaure, qu’ils appelaient Illontia. L’illontien le plus classique était leur langue, un peu comme l’arabe classique et ses différents dialectes. Dans certaines contrées de Proxima b, éloignées du centre du pouvoir, leur langue devenait presque incompréhensible. Sur ce point, Afroditi, en tant que linguiste, fut fascinée.

-          Et que venez-vous faire ici ?

-          Reconnaître le terrain pour préparer des rencontres futures, expliqua diplomatiquement Flix, et Camar acquiesça.

-          Mais c’est formidable ! Et quelles sont vos avancées technologiques ?

-          Tu ne les comprendrais pas. Sur Terre, il est impossible de faire un vol habité plus loin que la Lune. Au fait, monsieur Cobur, ne devrions-nous pas faire un congrès, pour nous seuls ?

-          Pourquoi pas…

Camar Cobur était de plus en plus désabusé, craignant de plus en plus d’échouer dans ses plans une nouvelle fois. Il soupira.

-          Tout va bien, monsieur Cobur, lui dit gentiment Afroditi en posant une main sur la sienne, et il ferma les yeux.

-          Vous avez vraiment de la chance, Flix… Votre compagne est parfaite.

Afroditi se contenta de sourire.

-          Vous pouvez faire comme moi, suggéra Flix. Découvrir toute cette planète avant de savoir quoi faire.

La pinéale de Camar s’alluma exprès pour le remercier de sa diplomatie, qu’il se rangerait sur sa ligne. Flix hocha la tête, rassuré, mais conseilla à tous de dissimuler leurs  pinéales et sixièmes doigts. Ce qu’ils firent, le temps pour Afroditi d’apporter le « primo piatto » : un risotto bien crémeux, que les extraterrestres apprécièrent outre mesure. Puis ses travers de porc produisirent l’effet escompté : Blano en aurait léché son assiette, et le plat retourna vide en cuisine. Pendant ce temps-là, ils parlèrent du petit système stellaire de Proxima du Centaure. Afroditi, souriant à demi, promit d’être plus discrète qu’eux, ce qui fit mourir de rire son compagnon, et froncer les sourcils de Camar. Mais enfin, l’ambiance était bonne. En prenant le café, Afroditi demanda ce qu’ils comptaient faire à présent, les prévenant qu’elle aimerait rester avec Flix.

-          Eh bien… nous ferons du tourisme, puisque vous nous l’avez conseillé, répondit Blano à la place de son chef. Qu’y a-t-il à voir, ici ?

-          Je vous conseille la Scala et son musée.

-          C’est le grand théâtre de la ville, expliqua Flix. Des artistes de renommée internationale s’y produisent. J’y ai vu la Tosca, l’année dernière.

-          Alors c’est bien  vrai, que vous êtes plus curieux que nous, Flix, constata Milarka, pensive. Et vous aimez cette musique ?

-          Eh bien oui. Même si je préfère le rock. La musique d’opéra est pour une élite de connaisseurs. n’est-ce pas ma petite Afroditi ?

En les voyant si beaux ensemble, Flix et elle, Blano conseilla à son chef d’accéder à leur demande, et Flix et Afroditi restèrent enfin seuls, tous les deux.

-          Tu… tu ne m’en veux pas ? demanda alors Flix. Je t’ai caché ma véritable identité depuis trois mois…

-          Pas du tout. Je comprends tes réticences. D’autant que j’ai été obligée de vous croire. Tu peux sortir tes attributs d’extraterrestre….

Flix s’exécuta avec un  sourire.

-          Merci.

-          Du coup, je ne dois pas tarder à te faire une révélation, moi aussi.

-          Pourquoi… tu… tu n’es pas ce que tu es non plus ?

-          Pas du tout. C’est complètement autre chose. Je… j’attends un bébé de toi.

Flix ouvrit de grands yeux.

-          Tu crois qu’il va être viable ? demanda Afroditi avec une certaine anxiété.

-          Bien sûr. Marie Curie était illontienne, et elle a eu une descendance. Albert Einstein aussi.

-          Parce que ça marche dans les deux sens ?

-          Oui. Quelques Illontiens sont venus sur Terre, à partir de votre Renaissance.

-          Léonard de Vinci ?

-          Oui. Mais lui, je crois qu’il était homosexuel…

Afroditi regardait Flix, stupéfaite.

-          Ça fait près de deux siècles que Camar travaille là-dessus. Mes collègues se croient très malins… J’espère seulement que tu n’auras pas de jumeaux ou de triplés. Camar a trois femmes, et une vingtaine d’enfants…

-          Je crois que je suis en train de comprendre… fit Afroditi en tremblant.

-          Ils t’ont trouvée magnifique. Tu sais ce que je vais faire ? Je vais essayer de les garder sur Terre… Ils m’ont expliqué ce qu’ils ont fait : le coronavirus est illontien. Moi, je ne l’aurai pas, car nous mourons rarement de maladie, sur Illontia.

-          Tu crois qu’ils sont capables de tout ?

-          Ils sont plus bêtes que réellement dangereux. Laisse-moi faire. Promets-moi seulement que nous n’ayons pas une famille trop grande. Proxima b est une planète de barges, hideuse. Parce qu’il y a beaucoup trop d’enfants.

-          Je te fais confiance, Flix.

-          Viens là, ma déesse. Je serai ravi d’être père.

Afroditi obéit, et ils firent un gros câlin.

-          Tu sais quoi ? fit Flix, le nez dans la cheveleure de sa compagne. Les moustiques chinois qui les ont piqués pourront guérir les hommes, mais je suis seul à le savoir… et je ne sais pas du tout comment le faire comprendre.

-          Ça ne fait rien : je t’aime, et c’est tout ce qui importe… Mais comment vas-tu faire, alors, avec tes compatriotes ?

-          Oh, je vais leur faire rencontrer du monde… Les Italiennes sont très belles aussi. Quelque chose me dit qu’elles plairont à ces andouilles et qu’elles sauront les garder sur Terre le temps de contenir l’épidémie, à moins qu’ils préfèrent rester à admirer les beautés de l’Italie…

-          Et Milarka ?

-          Tu dois bien connaître quelques bons partis pour elle ?

Et ils se regardèrent en riant.

Camar, Blano et Xion trouvèrent très vite toutes les beautés de l’Italie, y compris celles des femmes, dont ils furent déçus d’en avoir si peu d’enfants, mais enfin, ils en furent heureux, et ne se virent plus, pris par leurs vies familiales respectives dans chaque recoin de la Botte, même si pendant ce temps-là, le coronavirus courait, tuant des personnes âgées, infectant les autres, même les dirigeants, de toutes conditions, presque de tous âges, mais évitant la jeunesse. L’épidémie crût, décrût, reprit, puis devait disparaître quelques années plus tard. A Wuhan, dès l’année suivante, la vie avait repris son cours. Toute sa vie, Flix se demanda si les Chinois avaient compris le remède, n’osant révéler l’existence d’andouilles comme ses compatriotes de Proxima b du Centaure. Pour finir, les Illontiens, quelques dizaines d’années après ces événements, pas fiers, émigrèrent en masse sur la face cachée de la Lune, mais cela, c’est une autre histoire…

 

© Claire M., 2021

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