Point de vue de Sirius, 14° épisode
Heurts divers.
- Ah, capitaine ! fit Miguel en le voyant arriver, avec à sa suite ses six compagnons. Bonjour à vous !
Il était confortablement installé sur un fauteuil de jardin, un verre de grenadine à la main. A cause de son chapeau, et de son geste qu’ils jugèrent auguste, les Po-Toliens s’inclinèrent, et Miguel éclata de rire.
- Sympathique coutume potolienne, fit-il, mais sans façons…
Et il allait encore parler, quand monsieur Worth réapparut, un plan à la main. Il le donna à Byzix, qui le passa à Césig.
- Qu’est-ce ? demanda ce dernier.
- Avec ça, et moi, vous ne serez pas perdus, expliqua Miguel. Mais j’espère que vous n’êtes pas pressés de partir…
- Non ! firent les Po-Toliens en choeur, sans même se concerter, si ce n’était le regard amoureux entre Lantar et Anthéa.
- Dans ce cas, je peux vous faire retrouver votre vaisseau.
- Ça doit être un grand personnage, ce Miguel, fit Ollibert à la princesse. Avec son chapeau…
- J’en doute, mon cher. Souvenez-vous de sa tenue à la… plage…
- Mais il a un chapeau.
- De toute façon, je suis à même de parler à ces gens-là.
Mais Miguel vida son verre, le posa, se leva, et alla embrasser Anthéa, serrer la main aux hommes, s’incliner devant la princesse. Cette dernière regretta une nouvelle fois qu’on ne l’embrasse pas, et se mit à chercher Flocon du regard, ratant les quelques phrases de Miguel.
- Votre Altesse, lui dit Byzix quand il eut fini. Nous allons retrouver le vaisseau.
- Mais je ne veux pas partir ! Où est Flocon-san ? En plus, il va falloir marcher...
- Vous n’avez pas écouté ? Nous y allons en navette.
- Spatiale ?
La princesse ne comprenait plus rien, et Flocon ne paraissait pas.
- Non, c’est un transport en commun, Votre Altesse, lui dit Miguel, qui avait bien vu qu’elle était ailleurs. Vous allez voir.
Mais d’abord, il fallut attendre la navette à son arrêt. Enfin, un petit bus arriva, sur lequel il était écrit : « Grand central – Plage ». Byzix remarqua au passage la mention du Grand central, et monta derrière Miguel, qui avait laissé son vélo à l’association. Comme il était relativement tôt, la navette était à moitié vide, si bien qu’ils trouvèrent de la place pour eux tous. Mais Carman, et surtout Miguel, étaient un peu serrés à cause de leurs grandes jambes, et la princesse Balea débordait quelque peu de son siège.
- Ce n’est pas très confortable, fit-elle d’un air pincé.
Anthéa, quant à elle, eut à subir un frotteur en allant s’asseoir, faillit s’exclamer.
- Ma qu… euh !
Byzix la foudroya du regard.
- Vous êtes vraiment au goût de mes concitoyens, commenta Miguel en voyant cela. Monsieur, cette dame est occupée, et son mari est avec elle !
Lantar ne s’en était même pas aperçu, peu au fait des coutumes terrestro-maldékoises, et Anthéa le regarda, puis Miguel. Ce dernier prit encore à partie le frotteur.
- Español ?
- Italiano, répondit l’autre, qui avait bel et bien un air de don Giovanni.
- Lantar ! Prenez la main de votre femme !
Désarmé, l’intéressé chatouilla le coude d’Anthéa, qui eut un soupir d’aise tandis que Miguel toisait l’Italien.
- Capito ?
- Scusa…
Et l’homme alla au fond de la navette.
Ils arrivèrent près de la plage une dizaine de minutes plus tard, mais Byzix ne vit rien, ne se reconnaissant pas, et émit des signes d’inquiétude. Ils descendirent de la navette, Césig ayant gardé le plan à la main, mais Miguel n’en avait pas besoin. Il connaissait bien l’endroit, et avait repéré la falaise où les Po-Toliens avaient atterri. Alors qu’ils s’approchaient, Byzix se rassurait progressivement. Enfin, l’appareil apparut. Il n’avait pas bougé, mais il y avait des curieux aux yeux bridés, appareil photo à la main. Une jolie dame au nez retroussé se faisait photographier, une main sur la porte du vaisseau.
- Césig ! s’écria Byzix.
Le copilote avait vu le manège des Asiatiques, lui aussi, et se mit à courir vers l’appareil, avec le temps de retard habituel.
- Pas de gaffe ! lança Miguel, et il alla droit au couple d’Asiatiques et leur parla en anglais, tout en faisant de grands gestes à la manière ibérique.
Mais les deux jeunes gens partirent sans faire d’histoires, et alors Miguel déclara :
- Je ne peux pas vous laisser tomber, les amis. Vous courez droit à la catastrophe, s’il n’y a pas un Terrien avec vous.
- Que… ? commença Césig, sidéré.
- Mais puisque nous sommes tous là, montrez-moi donc votre vaisseau… Dedans, je vous montrerai le plan que monsieur Worth vous a donné.
Et les Po-Toliens, quelque peu contrits, se laissèrent faire.