bord de mer
Je tire le Diable par la queue
vieille dame
Voici les réponses aux petits pièges tendus il y a quelques temps sur ce blog, et que vous attendiez peut-être ?
incipit : de Luis Sepulveda, Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler
devinettes :
- Courir de Jean Echenoz était sur Emil Zatopek
- Ridan a repris Joachim du Bellay ("Heureux qui comme Ulysse...")
- "Rire est le propre de l'homme" est de François Rabelais, dans Gargantua
- Les trois mousquetaires, Vingt ans après, Le Vicomte de Bragelonne
charade : Il fallait trouver Esmeralda (S - mets - râle - da)
Seul Sepulveda n'était pas français ! (chilien)
Soleil sur Paris
Son frère était bien d’accord. Ils avaient déambulé dans les rues, et Antoinette leur avait montré la cathédrale et parlé de l’histoire anglaise. Malheureusement, la pluie n’avait jamais vraiment cessé, et le vaisseau filait sous les nuages. « Heureusement, ce n’est que de l’eau », se disaient le capitaine et son copilote. Seul Ollibert ne disait rien, il avait aimé les forêts et les collines des Downs, le charme de Canterbury. A part pour la pollution, il était ravi d’être de cette mission, à veiller sur la princesse, et ne regrettait pas le protocole du palais de Digitaria. Mais par discrétion professionnelle, il parlait peu. Il regardait régulièrement par la boule transparente du vaisseau, et vit le premier quelques rayons de soleil.
Antoinette réfléchit un instant.
Byzix grommela quelque chose, puis :
Peu après, ils la survolaient et, d’étonnement, Byzix fit descendre un peu l’appareil, frôlant presque le sommet de la tour Eiffel.
Byzix ne sut pas quoi répondre, et donna des ordres à son copilote, tandis qu’Antoinette se redressait pour venir près du poste de commandes.
A présent, le soleil n’était plus caché que par quelques nuages, et Byzix fit atterrir son appareil vers les pelouses du Jardin des Tuileries, près des statues. Il ouvrit la porte, et ils descendirent tous.
Pour une fois, avec ces petits jeux, vous allez courir, galoper, rire, chanter.... Vous verrez que la littérature s'immisce partout ! En outre, à une exception près (trouvez la !), je n'ai fait appel qu'à des auteurs français. Allez, celle-là est facile !
Et partagez, coincez vos amis, dommage, le 1er avril est passé ! Les réponses... dans quelques temps. En attendant, je vous souhaite de passer du bon temps, certains d'entre vous sont presque en vacances !
incipit : " - Bande de harengs à bâbord ! annonça la vigie et le vol de mouettes du Phare du Sable Rouge accueillit la nouvelle avec des cris de soulagement. "
devinettes :
- De quel athlète Jean Echenoz a-t-il fait la biographie romancée dans son livre Courir ?
- Quel poète Ridan a-t-il repris avec sa chanson Ulysse ?
- Quel écrivain a écrit "rire est le propre de l'homme" ? Savez-vous dans quel livre ?
- Quels sont les titres de la trilogie des Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas ?
charade :
Mon 1er est une lettre de l'alphabet.
Mes 2° sont souvent succulents.
Mon 3° montre qu'il n'est pas content.
Mon 4° est une affirmation slave.
Mon tout est une héroine de Victor Hugo.
Tout récemment encore, j'écrivais une histoire, où je me mettais à la place d'un chat, et me suis sentie reliée, non seulement à ces petits félins de salon, mais aussi à plus grand. Il faut savoir que je fais d'abord un "squelette" de mon histoire, mais en écrivant, celle-ci s'enrichit, et des éclairs, des fulgurances, des intuitions même me viennent qui donnent, me semble-t-il, encore plus de sens aux histoires que j'écris. Et je me suis demandé si tout cela n'était pas le pouvoir du créateur qui, lorsqu'il est tout à sa tâche, serait un canal de... le Grand Tout ? Du divin ? C'est une sensation très particulière. Rien ne saurait déranger un tel créateur. Arthur Rimbaud écrivait "Je est un autre", et voyait le poète comme un voyant.
Etant de plus en plus réceptive avec le temps, et particulièrement en ce moment où je me remets en question, tout cela m'interpelle. J'expérimente encore plus fort le "flux" théorisé par Mihaly Csikszentmihalyi (cf par exemple La créativité, disponible en poche), qui décrit cet état. Ce flux induirait presque une prescience du monde, ou des choses qu'on ne savait pas, et qu'on comprend de soi-même en créant. Cela m'était déjà arrivé après une autre histoire de chats, Les rescapés de l'Atlantide, longtemps après, et que j'avais mis sur ce blog (22 / 1 / 2021). L'imagination est puissante, et le pouvoir créateur, immense.
En outre, dans cette période de sensibilité extrême où je suis, je ressens ces choses-là d'autant plus fort. A me demander si les créateurs, grands ou petits, ne seraient pas des médiums. Virerais-je mystique, moi qui pourtant ne crois pas en Dieu ? Ou plutôt si, et ceux d'entre vous qui me lisent régulièrement le savent, ou au moins s'en doutent : l'Etre suprême est un chat, devant lequel les amoureux de ces félins s'aplatissent. Et les autres, me direz-vous ? Cela dit, tous les animaux peuvent être des médiums. L'homme se complique la vie et se détache de la Nature, de plus grand que lui. Les chats, les animaux, tout autant que l'art, peuvent nous aider à rejoindre ce à quoi nous aspirons tous : le bonheur dans l'instant présent. Ecoutez les ronronner sans rien faire d'autre ! La plupart des bébés le savent aussi, mais nous perdons vite cette capacité à nous inscrire dans le flux. De la créativité ou de la vie. Et si l'art, c'était la vie ? C'est la seule façon que j'ai trouvée pour la supporter, depuis toujours.... Art salvateur. Et pardonnez, peut-être, mon immodestie et ce post tout aussi décousu...
Claire M
Deux altesses.
Malheureusement, il y avait foule, autour du vaisseau des Po-Toliens, et les cœurs de Byzix, de la princesse et d’Antoinette firent des bonds.
Byzix voulut fendre la foule pour retrouver son vaisseau.
La princesse prit son air le plus impérial possible, à ces mots.
Et elle prétexta une avancée technologique des Néo-Zélandais. Pendant ce temps-là, Byzix attrapa Césig et la princesse par la manche, et les fit reculer un peu, alors qu’on entendait un « Je vais prévenir le roi ! » Exprès, il leur parla en anglais.
La main d’Antoinette se posa sur son bras, à son grand étonnement. Césig la regardait, perdu, décontenancé.
Les yeux de la princesse se mirent à briller. Il arriva une dizaine de minutes plus tard, alors qu’Antoinette lançait, en anglais :
Ollibert se mit aussitôt au garde-à-vous, par habitude. Le roi Charles III portait un pantalon écossais, et avait passé un gilet assorti par-dessus sa chemise.
La princesse s’avança la première.
Antoinette soupira alors qu’il se présentait, en soupirant.
Le roi les toisa tous les deux.
Tous étaient très raides, gênés, se demandant ce qui allait leur tomber dessus.
Charles perdit son impassibilité, éclata de rire, et s’approcha de l’appareil.
Tous tenaient leurs tasses de leurs quatre doigts, se détendant, même Ollibert, tout surpris, en tant que majordome, de ce traitement de faveur. La soirée se prolongea jusque fort tard, et les huit amis dormirent même à Kensington Palace.
Ce soir-là, Liana se jeta sur son lit en pleurant : elle avait passé son anniversaire toute seule, sa sœur l’avait appelée depuis Zagreb où celle-ci passait alors ses vacances, et ses frères avaient à peine réagi. Pas même un cadeau. A présent, Liana avait quarante-et-un an, et l’impression d’avoir tout raté. Depuis l’année précédente, on lui avait retiré son permis de conduire, et elle se sentait à l’étroit, à Syracuse, même si l’endroit était magnifique, magique. Même son amie Margherita, la meilleure, ne réagissait pas, mais il est vrai qu’en plein cœur de l’été aussi, il y avait des touristes qui voulaient se faire chouchouter par une esthéticienne… Ses parents étaient morts quelques années auparavant, et la douceur de sa mère manquait à Liana. Son père, moins, tant il était englué dans sa sicilianité, le patriarcat, il défendait même la mafia locale !
Ecœurée par sa solitude, Liana sanglota encore, sans trouver le sommeil. A quoi bon être en vacances, pour se retrouver seule, sans personne pour l’emmener faire un tour sur le continent ? Liana avait espéré que l’un ou l’autre de ses frères lui proposerait de venir avec, ou chez lui, à Toronto pour l’un, à Aix-en-Provence pour l’autre, mais chacun était parti en vacances de son côté… Carla était à Zagreb avec son compagnon et le cadet de leurs fils. Elle-même n’avait pas d’enfants, se demandant toujours qui pourrait bien vouloir d’elle. Liana avait-elle seulement éprouvé le grand amour, même quinze ans auparavant avec Zaher ? Après une ultime dispute, il l’avait laissée tomber sans ménagements, et elle avait mis une petite dizaine d’années à s’en remettre, dans les bras d’un Calabrais… qui l’avait laissée tomber lui aussi, deux ans plus tard. Aussi Liana se sentait très malheureuse. Pire, son travail lui manquait. Elle essaya de se souvenir de sa dernière étreinte masculine, il y avait tantôt trois ans, même ce souvenir lui échappait. Elle finit par se lever, but un peu de lait d’amande, dont le goût lui faisait tant de bien. Elle s’endormit enfin, après avoir feuilleté une revue, à une heure et demie du matin.
Le lendemain dans la salle de bains, Liana étudia son visage, trop bronzé à son goût, tapota les pattes d’oie qui apparaissaient peu à peu, eut une moue dégoutée.
Elle se passa la tête sous le robinet. Il faisait déjà chaud, et elle ne savait pas quoi faire de sa journée. Elle avait toujours vécu à Syracuse, et la ville n’avait pas de secrets pour elle, aussi comptait-elle plutôt sur les sorties culturelles. Seule ? Elle s’énervait déjà, alors elle passa sous la douche, qui fut très courte, à l’eau froide, exprès. Elle était en vacances depuis le début de la semaine, et Margherita, qui n’y serait qu’en août, ne répondait pas à ses appels. « A quoi bon ces nouveaux petits téléphones portables », pestait Liana, « si c’est pour ne pas répondre ?! » Cette nouvelle mode la dérangeait, et en plus, elle comptait encore en lires, alors qu’on était passé à l’euro deux ans auparavant. La conversion était aisée, mais enfin… Liana se sentait encore plus inadaptée, en ce début de XXI° siècle. Elle eut un gros soupir en pensant à Margherita, essaya de se coiffer, et ses cheveux noirs renâclèrent sous la brosse.
Une heure plus tard, elle était hirsute, et elle se traita de sorcière, hésita à sortir.
Liana cherchait un prétexte pour aller dehors, mais là, dans sa salle de bains, elle avait l’impression de voir une panthère en colère. Elle alla s’asseoir, se releva pour aller boire du lait d’amande, ce qui eut l’effet escompté. Elle se reprit donc, mit des chaussures et alla se promener dans son quartier. A tout hasard, elle entra chez un buraliste pour regarder les journaux, en feuilleta en prenant son temps. Et elle tomba sur les petites annonces, ce qui lui fit avoir une illumination. Elle l’acheta, ainsi que Geo, et un joli marque-page histoire de se faire plaisir.
Ce jour-là, Liana regarda les petites annonces de rencontres, passa deux coups de téléphone, sans succès, écrivit un courrier pour répondre à une troisième. Le lendemain, elle en passait une elle-même : « Femme ronde, la quarantaine, cherche joie et amour avec celui qui saura me faire fondre, pas sérieux s’abstenir ».
Liana, le cœur battant, ouvrit son cadeau d’anniversaire : une huile parfumée pour le corps, et son parfum, que Margherita lui offrait quelquefois.
Liana lui montra le texte final, et Margherita fit la moue.
Liana soupira.
Liana sentit la rancœur lui revenir, contracta le visage.
Liana préféra se retenir de s’énerver.
Un quart d’heure plus tard, à nouveau seule, Liana laissa libre cours à son énervement.
Mais elle tint compte de la critique de Margherita, et refit son annonce, qu’elle envoya le lendemain. « Jeune femme aux formes avenantes, bonne cuisinière, gâterait chauffeur. Pas sérieux s’abstenir. » Elle rentra chez elle, eut un appel, rencontra l’homme deux heures plus tard : une déception. Il l’avait vue marcher, et avait dit qu’il la croyait plus jolie. Liana se félicita d’avoir refait son annonce, et alla au cinéma pour se changer les idées. Le soir, Margherita l’appela.
Mais Margherita louvoya, fit parler son amie. Plus calmement, Liana lui expliqua que la société imposait l’idéal du bonheur avec celui, au moins, du couple jeune, beau, lifté au besoin. Elle n’avait pas d’animal, reconnaissant qu’elle n’aurait pas la patience de s’en occuper, disant qu’elle voulait gâter un homme avant toute chose. Et aussi, que les vacances la mettaient face à elle-même, ce qu’elle n’appréciait pas. Margherita reconnut qu’elle comprenait, qu’elle avait gaffé concernant Zaher, mais Liana eut alors un « Ne me parle plus de lui ! », ce qui fit comprendre à son amie qu’elle était en terrain glissant. De toute façon, Liana dut abréger, à cause d’un appel inconnu : une réponse à la première annonce, pour se rencontrer le jour suivant.
Ce fut un nouvel échec, et pourtant Liana avait vraiment cru avoir mis de l’eau dans son vin. Plutôt que de rentrer chez elle, elle se dirigea vers la plage. Elle avait de la peine, ce quinquagénaire était beau, divorcé, mais végétarien convaincu… « A quoi bon », se disait-elle, « je ne trouverai jamais, de toute façon il m’a trouvée trop décolletée, alors que je voulais être jolie… Suis-je donc vulgaire ? » Même, elle en pleurait. Quelques touristes la regardèrent, se détournèrent. Liana chercha un mouchoir dans son petit sac, maladroitement. Elle ne portait ni maquillage, ni bijoux, si ce n‘est de discrètes boucles d’oreilles. Elle se moucha, garda le mouchoir jusqu’à voir une poubelle, se tamponnant les yeux. Puis elle longea la plage. Il faisait beau, très chaud sur Syracuse, le sirocco, supposa Liana. Alors elle sut quoi faire. Il était une heure, elle avait eu son apéritif, et elle s’éloigna de la foule, pour aller vers les rochers menant à la Méditerranée. Une fois sûre que personne ne la voyait, Liana ôta tous ses vêtements, et plongea. L’eau était chaude, elle prit un long bain, nagea sans crainte, loin des regards. Elle était bonne nageuse, l’exercice, le contact de l’eau lui firent du bien au corps et au cœur. Enfin, elle monta sur un petit rocher, à l’abri des regards, et s’y étala pour se sécher au soleil, n’ayant ni maillot de bain ni serviette. Quand elle se sentit à peu près sèche, assez rapidement étant donné la chaleur, elle se rhabilla, et rentra chez elle, sans prendre garde à un léger mouvement derrière elle, comme si le sirocco la suivait. De toute façon, Liana avait chaud.
Elle mangeait une salade, quand la sonnette retentit. Le mouvement s’était fait chair, le sable avait tournoyé, et tout d’abord, à la porte, Liana ne vit rien. L’être fit un pas vers elle, et elle se trouva face à un homme de son âge à peu près, d’une grande beauté, parfait à bien des égards. Son sourire, sa carrure étaient rassurants, mais on devinait, plus qu’on ne voyait, les muscles sous son tee-shirt. Son visage était encadré de boucles noires, mais il avait les yeux bruns. Liana retint un cri, en le voyant, et l’homme se présenta :
Elle en était si troublée, qu’elle en lâcha la poignée de la porte, puis Liana essaya de se reprendre.
Et Malek mit discrètement le bout de sa chaussure dans l’embrasure de la porte. Il avait un dossier dans une main, et fit le geste de prendre le stylo qui y était glissé.
Et Malek prit un air langoureux, pour ajouter :
Liana ne put s’empêcher de penser qu’il ne manquait pas de toupet, mais Malek lui plaisait, et lui semblait envoyé par le Ciel… Alors elle répondit, sans trop bien réfléchir :
Malek tripota une de ses bagues.
Et elle fit un pas en arrière, hésitant à lui fermer la porte au nez, tant Malek lui plaisait. Après la bague bleue, il tripotait une bague verte, et celle-ci brillait tant, que Liana se demanda si ce n’était pas une pierre précieuse.
Malek prit une petite carte, et la lui tendit, effleurant ses doigts. Liana la saisit.
Il avait pris un ton, et un regard pénétrant, en disant cela.
Il fit deux pas en arrière, porta deux doigts à son front, et Liana ferma la porte. Elle était stupéfaite, sous le charme. Elle lui plaisait, il aimait l’huile d’olive, et elle pouvait penser qu’elle pouvait cuisiner ce qu’elle voulait pour lui – sauf peut-être du porc.
Et elle marina trois jours, avant de l’appeler, prétextant réfléchir à acheter un téléphone portable, et ayant envie de lui faire plaisir avec un bon dîner. Malek accepta aussitôt, et le lendemain soir, il revenait. Sans dossier à la main, mais avec un bouquet de fleurs et un grand sourire qui lui illuminait le visage. Spontanément, il embrassa Liana, déjà rosissante à cause des fleurs.
Elle se rembrunit.
Malek se retint pendant tout le repas, mais au moment de manger le dessert, les cannoli étaient si bons, qu’il déclara qu’elle était parfaite. Une fois de plus, Liana fut stupéfiée : elle, parfaite ? Malek était le premier à savoir la prendre, aussi se sentait-elle bien avec lui, voilà tout. Et elle le lui dit.
Liana piqua un tel fard, que Malek comprit tout de suite. La dernière bouchée à peine avalée, ils étaient dans les bras l’un de l’autre. Et l’attraction était magnétique. Mais ils n’allèrent pas jusqu’au bout, et Malek repartit une heure plus tard, en sifflotant : il avait son numéro de téléphone. Fixe, et il s’en moquait.
Il téléphona le lendemain, revint le jour suivant. Et leur relation s’installa. Liana envoya au Diable les autres hommes qu’elle rencontra, enleva son annonce. Malek fit même mieux qu’elle ne pensait, lui envoyant un chauffeur, au volant d’une petite Alfa Romeo, et une femme de ménage. Deux semaines idylliques passèrent, puis Liana reprit son travail de secrétaire, Malek de représentant. Il venait de plus en plus souvent, passait aussi des nuits chez Liana. Elle savait où il habitait, mais il disait préférer venir chez elle, pour mieux s’occuper d’elle, et Liana y était sensible, alors elle laissait faire.
En octobre, comme un robinet fuyait, elle lui demanda un coup de main, espérant ne pas avoir à payer un plombier pour une simple fuite.
Une demi-heure plus tard, Malek était là, une petite trousse à outils à la main. Il regarda le robinet, trouva le trou par où il fuyait, et dit à Liana que c’était une affaire d’homme, qu’elle pouvait vaquer à ses occupations habituelles. Elle alla donc passer le balai dans la cuisine, et fut surprise de ne pas l’entendre travailler. Malek réapparut cinq minutes plus tard.
Liana était de plus en plus étonnée.
Elle y alla, et constata que tout était propre et que le robinet ne fuyait plus. Elle trouva cela formidable, mais quelque chose l’intriguait.
Malek eut un grand sourire.
Et ils éclatèrent de rire tous les deux, il la souleva de terre pour l’embrasser.
Liana riait toujours.
Et elle n’y pensa plus. De temps en temps, elle demanda à Malek un peu de bricolage, toujours bien fait (le robinet n’avait plus jamais fui, les clous tenaient) mais à une vitesse qu’elle jugeait incroyable, qui la déconcertait. Malek semblait visser l’air, plantait des clous d’un unique coup de marteau, et lui dit ainsi qu’à Myriam de s’occuper du ménage de la chambre, qu’il jugeait un peu en désordre, quand il dut décrocher les rideaux. Quand les deux femmes revinrent, ceux-ci étaient prêts à être mis dans la machine à laver, et les tringles donnèrent l’impression, à Liana, de ne pas avoir été touchées. Malek changea les rideaux, pendant que Liana faisait les courses, disant qu’ainsi, ils ne se gênaient pas. Et elle n’y voyait pas malice.
Par moments, Liana lui posait des questions sur sa famille, et Malek lui disait que ses parents restaient en Libye, et que ses frères, sœurs et cousins étaient si nombreux, si dispersés dans le monde, qu’il avait du mal à tous les rassembler, et que c’était pour cela qu’il avait choisi le métier de représentant, dans le monde arabo-musulman, l’Italie et partout où on connaissait l’anglais. Liana avait d’ailleurs pu constater, avec les touristes que son compagnon aidait quelquefois, que son anglais était parfait, plus que le sien – elle avait elle-même un accent italien à couper au couteau, gênant la compréhension. D’ailleurs, elle s’émerveillait de tout ce que savait faire Malek. Elle allait rarement chez lui, mais il avait une grande quantité de livres, majoritairement en arabe, ce qui la fascinait, les volutes des lettres notamment. Ils étaient si souvent ensemble, que Liana en oubliait presque Margherita, mais cette dernière se réjouissait de voir son amie heureuse.
Liana se rassurait en effet ainsi. Et puis les bras de Malek étaient si rassurants ! Ils se mirent officiellement ensemble à la fin de l’année, Malek parlant de chercher une grande maison pour eux deux.
Il accepta, et s’installa chez elle. Régulièrement, il allait chez lui prendre des affaires, avec ou sans Liana.
Au bout d’une quinzaine de jours, un samedi, il dit devoir y aller pour quelque chose, et commença par satisfaire un besoin pressant. Liana crut entendre la porte, regretta à haute voix d’être de nouveau seule, prit un livre, s’installa dans le canapé. Deux heures passèrent. Elle regarda un peu la télévision, un téléfilm, mais finit par se lasser. Et puis, que faisait Malek ? Au bout d’une autre heure, elle commença à s’inquiéter. Pour s’occuper, et se disant que cela le ferait venir, elle prépara un tiramisù. Puis elle le mit au frigo, et alla à son tour à la salle de bains. Elle soulevait la lunette des toilettes, quand Malek en sortit.
Confus, Malek voulut la saisir.
Et c’était bien lui, avec ses bagues scintillantes, mais vêtu d’un sarouel et d’un turban. Après un bref instant d’hésitation, Liana partit en hurlant, claquant la porte d’entrée. Malek comprit aussitôt.
Et il s’élança derrière elle, la porte claquant à nouveau.
La jeune femme franchit le hall de la résidence, et courut vers la chaussée.
Liana partit comme une flèche, presque sous les roues d’une voiture dont le chauffeur, surpris, pila brusquement, créant un carambolage derrière lui. Malek fondit sur elle, et la prit dans ses bras à la dernière seconde. Alors Liana s’évanouit.
Lorsqu’elle revint à elle, elle était dans son canapé, et Malek, de nouveau vêtu à l’occidentale, lui tamponnait les tempes avec de l’eau, lui embrassait le front.
Elle s’aperçut que lui-même avait les larmes aux yeux, et le regarda sans comprendre.
Liana réfléchit, puis regarda son compagnon.
Malek ôta aussitôt sa grosse bague turquoise, la lui tendit.
De fait, quand Liana la passa à son doigt, elle scintilla, et s’adapta à son annulaire. La jeune femme regarda sa main, stupéfaite. De son côté, Malek en fit apparaître un double, qu’il enfila à son propre doigt.
Liana se mit à trembler, n’était pas rassurée. Elle enfouit son visage dans ses mains.
Timidement, Liana vérifia, et constata que son compagnon ne mentait pas. Alors il saisit la main sur son cœur, la baisa, et :
Elle se laissa faire, et se retrouva dans un nuage de sable. L’instant d’après, Malek lui montrait un palais dans le désert.
Elle tremblait encore. Malek remit son sarouel en claquant des doigts, puis rhabilla Liana de la même façon, dans des tons pourpre et or.
Elle rougit, et il l’embrassa avant de descendre de la dune au sommet de laquelle ils se trouvaient. Puis elle le suivit dans un palais magnifique, où les serviteurs s’aplatissaient devant eux.
Au fur et à mesure de leur progression dans l’enfilade de pièces qui menait aux appartements de la famille de Malek, Liana ouvrait de grands yeux, se calmait peu à peu. Il y avait des ors, des pierreries, des arcades, et l’endroit était chaleureux et accueillant. Le père de Malek les accueillit avec faste, appela son épouse.
Et Malek exposa à ses parents ce qu’il venait de se passer. Liana ne savait quelle contenance prendre, et il finit par éclater de rire.
Liana crut comprendre.
Liana comprit alors que quelque chose avait changé, en elle. L’aigreur, sa terreur de la solitude moderne lui semblaient si loin derrière, tout à coup ! Les regards convergeaient vers elle alors qu’elle méditait sa réponse, et celui de Malek était si beau, si doux, si plein d’espoir, qu’elle accepta. Puis elle voulut rentrer à Syracuse pour parler avec son fiancé, et les djinns les laissèrent aller.
Trois jours plus tard, Liana s’installait dans un petit palais, après des noces somptueuses au milieu des djinns, dans le désert libyen. Même une fois mère de famille, Liana revint régulièrement à Syracuse, voir sa famille, en France, au Canada. Elle apprit l’arabe, acquit elle aussi de grands pouvoirs, et écrivit cette histoire sur le sable. L’entendez-vous ? C’est un conte du désert…
Nouvelles perspectives.
Les Po-Toliens se regardèrent.
Linda était de plus en plus étonnée par ces étranges arrivants aux fronts bombés et aux quatre doigts, cependant elle répondit sans trop hésiter :
La princesse était horrifiée.
L’oreille de Linda se dressa sans qu’elle puisse maîtriser son geste.
Antoinette soupira : comment faire, avec des extraterrestres gaffeurs ? Si même en Angleterre, ils ne passaient pas inaperçus… Anthéa essaya de rattraper le coup.
Même Césig se méfiait, se connaissant, et Carman avait été échaudé par l’expérience avec Maria sur Maldek. Quant à Ollibert, il avait trop conscience de n’être qu’un majordome, pour mettre son grain de sel. Linda se reprit.
Antoinette elle-même ne put empêcher ses yeux de pétiller, et sept paires d’oreilles se dressèrent.
Les Po-Toliens furent surpris.
Antoinette fit du coude à Byzix.
Linda ne réfléchit pas longtemps.
Nouveau coup d’Antoinette, et Byzix la boucla.
Reconnaissants, tous acceptèrent.
Et ils montèrent dans un bus rouge à étage, typique, qui charma les Po-Toliens. Il y avait justement de la place à l’étage, la nuit tombait, ils ne furent pas incommodés et purent admirer la lumière de Londres durant le court trajet. Linda laissa les Po-Toliens à l’entrée de Hyde Park, où ils entrèrent, rassurés. Les habitants de Po-Tolo ayant de bons yeux, ils purent se repérer, et se dirigèrent à travers le parc, pour retrouver leur vaisseau.
Le savez-vous ? Je suis graphomane, je crois, et aussi abibliophobe. Et cela me joue des tours. Manie d'écrivain, de lectrice impénitente. Et pourtant, je dois me retenir d'aller dans les librairies. Savez-vous ce qu''est l'abibliophobie ? la peur de manquer de livres... Or, en ces vacances (prolongées, pour moi), je lis beaucoup. Forcément, car je dois en rabattre sur ma graphomanie, qui me joue décidément des tours. Depuis quelques temps, je comprends que j'en fais trop. Nouvelles, romans.. sans compter tout ce que j'écris pour moi.
Ma pratique du journal d'auteur, par exemple. Certes, c'est une bonne chose, quand on se prend au sérieux. Mais gare à ne pas en devenir esclave ! Donc, pas tous les jours, et pas forcément longuement. "Le mieux est l'ennemi du bien", et je dois, nous devons nous en souvenir, même en vacances, surtout quand je me révèle aussi tendue que je le suis, je ne sais même pas pourquoi. En outre, ça libère du temps pour essayer de se délasser. Je vis une période pas facile, depuis quelques temps. La dernière fois que j'ai pris un "bain de livres", en librairie, ça ne m'a pas empêchée d'aller mal....
On ne se méfie pas assez de ses passions... L'origine de ce mot, "passion", comporte une idée de douleur, de souffrance, et j'en prends actuellement toute la mesure. Pourtant, je continue d'alimenter ce blog, et d'écrire.... quand ça va bien. Les mots sont importants, mais davantage ceux qu'on échange ! Ne faites pas comme moi, et restez mesurés, surtout si l'écriture, la lecture sont vos hobbies. Et portez-vous bien.
Claire Monelle