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l'imagination au pouvoir
25 août 2020

Revendications.

Le traître.

 

Tu me dégoûtes.

J’ai éteint cette fichue lumière, et me suis blottie sous la couette.

Qu’est-ce qui t’a pris, de me trahir à ce point ? Est-ce que ça ronronnait, avec Victor ? Pourtant, nom d’une pipe, j’ai tout fait pour limiter les dégâts ! Je ne veux plus te voir. Cache-toi sous cette couette, disparais ! Maintenant je suis seule, et c’est de ta faute. L’histoire avec Victor n’a duré qu’un an, nous nous sommes laissé aller tous les deux, sauf que lui, il a tout pris dans les muscles, les biceps… Peut-être nous aurait-il cassés, toi et moi ? Victor est le plus beau des mecs que j’ai jamais eus, c’est aussi ça, mon drame. Sans doute n’ai-je pas été à la hauteur. Et toi, tu m’as trahie, tu m’as laissée grossir, et maintenant je ne vois plus que toi, avec ces cuisses adipeuses, tu me dégoûtes ! Et ce bide, qu’on dirait un coussin pour chats ! D’ailleurs, le chat de maman ne s’y trompe pas, quand je vais la voir. Et ce connard de Victor qui m’emmenait si souvent au restaurant, qu’est-ce qu’il s’imaginait ? Et après, le résultat est qu’il m’a trompée avec un haricot vert !

Pleure, pleure petite Eva, ça te fait du bien…

Qui me parle ? Non, tais-toi. Tais-toi ! Je ne veux plus t’entendre ! Qu’est-ce que c’est que ce corps qui ne m’écoute pas ?! Dans le noir je ne te vois pas, et c’est mieux ainsi. Je suis devenue un éléphant, et maintenant que Victor m’a quittée, ça devient encore pire ! Je cours autant que possible, malgré le jogging qui me boudine, mais je me sens moins ridicule qu’au club de gym. Sur la fin je n’en pouvais plus, et c’est à cause de toi ! Je me perçois comme un culbuto, je n’arrive plus à lancer mes pieds derrière ma tête, la gravité attire mes fesses, de l’autre côté, de plus en plus vers le sol ! C’est ça, que tu cherchais, toute cette vie gâchée ?

Quoi, pour cinq malheureux kilos de plus ?

Tais-toi, te dis-je !! Qu’est-ce que je t’ai fait, pour que tu me trahisses à ce point ?!

Tu plais au voisin d’en face qui est grec…

Tais-toi, nom de Dieu !! C’est à cause de toi que j’ai perdu Victor ! Si au moins tu t’étais tenu tranquille, à ne pas répondre à toutes ces tentations ! Les croissants du dimanche, le restaurant presque toutes les semaines, les petites attentions, biscuits, chocolats des uns et des autres, et Victor qui se marre en engloutissant des beignets pleins de gras ! Il n’était pas le dernier à m’emmener au restaurant grec en face, à bouffer de la baklava, ce con ! Mais lui, il s’en fout, il emballe toutes les nanas !

Justement, je… j’ai besoin de réconfort…

NON ! Tu n’auras rien ! Tu me fais du mal, là, tu es content ?!

Merci de te taire… Il faut que je respire, que je dorme. J’éclate dans mon pyjama, j’ai envie d’enlever le pantalon. Oui, mais si je ne me supporte pas ? Je ne veux pas sortir du lit, et affronter ces p… de rondeurs. Peut-être que j’y prenais trop de place, dans ce lit, en couple ? Quelle horreur je suis devenue… Plus personne ne voudra me prendre dans ses bras, maintenant… Oh, sauf maman.

Je me suis aperçue que j’avais mouillé l’oreiller. C’était assez désagréable, et je n’ai pas tenu longtemps. J’ai fini par me lever, pour changer la taie, et me passer le visage sous l’eau. Mais qu’est-ce que tu fous, encore ? Je n’ai pas dit d’aller à la cuisine !

Ces gestes mécaniques. La corbeille à fruits, les placards. Une pomme disparaît rageusement, puis les fruits secs, je ne suis pas remplie, les biscuits, le chocolat, maintenant ! Je ne me rends compte de rien, il a encore gagné ! Je mange en pleurant, sans sentir le goût des aliments, ni le beurre des biscuits bretons, ni même ce chocolat fourré de praliné que j’évite habituellement tellement je le trouve bon. Je suis mal, si mal ! J’ai l’impression que je vais exploser, m’écroule sur la table de la cuisine, cherchant à respirer, bouchée après bouchée. Puis, quand je me sens pleine à craquer, et vide de larmes, je retourne me coucher.

P… de corps ! T’es content, maintenant ? Tu me dégoûtes encore plus, à présent. Et si je dégobille sur la taie propre ? Non, ça n’arrivera pas. Jamais ça ne m’est arrivé, Dieu merci. Je vais essayer de dormir, en tirant le pyjama pour ne pas sentir mon gros ventre sur le drap-housse. Je me redresse sur le lit, d’un mouvement brusque tant tout ça m’énerve. Ce corps m’em… ! Il ne faut pas qu’on m’entende. Aïe ! Mon dos se cambre, mes lombaires ont encore trinqué. Bon Dieu ! Que j’ai mal !

Au secours ! Eva, aide-moi ! Eva ! Je ne te sens plus !

Je veux dormir ! Assise sur le lit, j’essaye de reprendre mon souffle. Mon estomac, mon dos me font mal. Tout ça pour un gars qui m’a regardée quand j’étais svelte, m’a engraissée et qui me quitte ensuite pour une sylphide ! Je n’en peux plus, je crois que je suis capable de courir demain midi au grec en face, et dire à Spiros qu’il a le droit de me regarder,  à présent… Non, je ne le ferai pas !

Eva ! Ecoute-moi !

Ah, ça, c’est nouveau ! Tu ne m’écoutes jamais, et après, tu me demandes de t’écouter ! Alors que c’est toi qui m’a trahie !

Non, Eva, je t’assure !

AÏE ! Bon sang, mes lombaires ! Je m’allonge sur le dos, ferme les yeux, cherchant à atténuer la douleur. Mon corps n’a jamais été si informe. Finalement, je me lève de nouveau, pliée en deux, pour prendre un antidouleur. Puis me recouche. Au bout d’un long, très long moment, la douleur décroît, à vrai dire j’ai tellement mal, que je n’ai plus que ça en tête, l’image de Victor s’éloigne. Et me reviennent les bras de maman, qui est si douce, si chaude, si maternelle… Oh oui… maman. Je peux enfin sombrer dans le sommeil.

 

-          Allô, maman ? Est-ce que tu peux venir, s’il te plaît ? Oui, tout de suite ! J’ai tant besoin de toi !

Elle est arrivée, au pas de course, a vu ma mine défaite, et a pris les choses en main.

Je vis chez elle le temps de déménager, avec mes quelques affaires. Elle m’a appris à respirer, à faire taire mes démons. Mon corps ? Je ne veux plus m’occuper de rien, pas même de cette andouille de Victor. Comme c’est ma mère, elle m’a fait parler, a été très douce, compréhensive. Ce n’est plus un Grec, qui me regarde avec concupiscence, mais ma maman, et j’ai aussi un regard médical. Je suis une thérapie, et Pompon, le petit chat blanc de maman, apprécie réellement mon giron.

-          Tu n’as que trente ans, ma fille, et devant toi, tu as encore toute la vie…

 

© Claire M., 2020

 

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