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l'imagination au pouvoir
26 octobre 2020

clin d'oeil scandinave

Ere scandinave

 

-          Que se passe-t-il, Munin ?

-          Craa ! Cra !

-          Comment ça, une urgence ? Où est Hugin ?

-          Cra cra craa !

Le corbeau avait les ailes déployées, son maître aurait presque pu croire que l’oiseau parlait avec ses ailes. En tout cas, le regard était flamboyant, et lui-même le regarda de son œil unique, inquiet.

-          Où veux-tu me mener, Munin ?

-          Cra Hugin ! Cra Hugin ! Craa !

Le dieu s’enveloppa dans sa tunique, et suivit le corbeau qui reprenait son envol. Ils passèrent par le pont entre les mondes, le Bifrost, et arrivèrent sur Terre, à la faveur d’une aurore boréale. Ils se retrouvèrent dans une forêt, d’où on entendait un  grand bruit. Le dieu aperçut au loin des machines modernes, et préféra se rendre invisible, pour mieux se rendre compte. Munin s’éleva au-dessus des arbres en croassant.

-          Munin ! Descends, que je te voie !

Mais le corbeau n’obéit pas.

-          Munin, nom d’une pipe ! Comment veux-tu me conduire, si je ne te vois pas ? Tu sais pourtant que maintenant, sur Terre, mes pouvoirs sont amoindris ! En plus, je suis borgne !

-          Cra ! Hugin ! Cra ! Hugin ! répondit l’oiseau.

Alors le dieu porta ses doigts à sa bouche, et émit plusieurs sifflements. Un « craaa ! » lointain lui parvint.

-          Hugin ! s’écria le dieu.

-          Cra ! Hugin !

Munin, s’il lui était invisible de là où il était, battait frénétiquement des ailes, et cela s’entendait. Du coup, le dieu put à peu près le localiser, et avança ainsi vers une clairière. Il connaissait bien les forêts suédoises, s’y serait dirigé l’œil fermé. Mais là, il cherchait son second corbeau, Hugin, et ignorait ce qu’il se passait. Munin lançait de temps en temps « cra ! Hugin ! » Enfin, un « cra » plus grave, plus proche aussi, lui répondit. Le dieu vit Munin repasser sous la frondaison, et descendre quasi en piqué. Il se mit à courir, alors qu’un concert de « craa ! »  accueillait la descente.

-          Hugin ! appela encore le dieu.

-          Cra craa craa ! Cra !

-          Mon vieil Hugin !

Les deux corbeaux se posèrent sur les épaules de leur maître, chacun la sienne. Heureux de retrouver Hugin, le dieu oublia où il était, qu’il était invisible. Les deux oiseaux semblaient accrochés à quelque branche en l’air, sans arbre pour les soutenir. Quelqu’un poussa alors un cri. Le dieu cessa aussitôt de flatter ses corbeaux, et un juron lui échappa. Le spectacle lui souleva les tripes : des arbres par terre, ces pins majestueux, débités en tronçons, certains dans des bennes, une grue était là aussi, suspendue dans son mouvement. Il y avait une personne en sang à terre, et un grutier à son poste.

-          Ma forêt ! C’est une atteinte à ma forêt !

La personne à terre gémit. Le dieu devint visible, alla à lui et lui tendit la main pour le relever.

-          Que se passe-t-il ? demanda-t-il en vieux norrois.

-          Islandais ? fit l’autre en suédois.

-          De plus loin encore.

Manifestement, l’homme n’avait pas reconnu Odin.

-          Votre corbeau m’a attaqué. Vous me comprenez ?

-          Oui, répondit Odin. Que faites-vous ?

-          Un stade olympique.

-          Quoi ?!

Odin devint très rouge, et ses corbeaux, devinant l’orage, s’envolèrent vers les arbres.

-          Et tant qu’on y est, tout ce bois sera pour des meubles. Ou peut-être du papier.

-          Par toutes les portes de Hel ! tonna Odin.

-          Mais qui êtes-vous ? fit l’homme, ne comprenant toujours pas à qui il avait affaire.

-          Comment !? Argh, ces hommes ne connaissent même plus leurs dieux ! La communication est coupée ! râla Odin d’une grosse voix. Je suis LE dieu ! Celui qui s’est pendu à un arbre pour dévoiler ses secrets ! Ceux de la nature, que vous fichez en l’air avec vos damnés appareils, et tout ça pour quoi ?! De l’argent !

L’autre n’en menait pas large. C’était un petit jeune, dont on devinait les muscles sous la tenue de travail, qu’Hugin avait lacérée. En outre, mille égratignures infligées par le corbeau paraient son visage de rouge. Une de ses arcades sourcilières était abîmée, et son cou était en sang.

-          Je n’y suis  pour rien, monsieur… balbutia-t-il. Je ne fais qu’obéir aux ordres…

-          Aux ordres de qui ?

Odin, en l’étudiant, avait croisé les bras, et pris l’air majestueux d’un roi offensé. L’homme en face de lui se fit tout petit, préféra répondre. La situation lui échappant complètement, autant être honnête. Il donna le nom de son patron, et l’adresse de l’entreprise, puis Odin, en guise de remerciement, lui tendit une gourde d’hydromel.

-          Buvez, lui enjoignit-il.

Les runes magiques imprimées sur la gourde firent leur effet : les égratignures disparurent, et l’arcade sourcilière et le cou de l’homme furent moins douloureux. Odin siffla à l’attention de ses corbeaux, et se retourna.

-          Je ne saurais trop vous conseiller de laisser MA FORET tranquille ! lança-t-il. Il va vous en cuire, à vous autres humains !

Et Odin le planta là.

Toujours suivi de ses corbeaux, il se rendit très vite à l’entreprise de celui qui avait ordonné la construction du stade. En chemin, il avait appelé son fils Thor, qui s’était muni de son marteau magique, Mjöllnir, dans l’intention éventuelle de s’en servir. Un tel équipage fit peur aux habitants de Kiruna, qui se détournèrent. Odin soupira, dit qu’ils n’avaient plus de fidèles.

-          Vos pouvoirs sont certes amoindris, Père, mais vous n’en êtes pas moins un dieu… Et Mjöllnir est toujours puissant, lui. Entrons !

Et il poussa avec force la porte de l’entreprise en question. C’était dans sa nature, et il était aussi remonté que son père contre la destruction de LEUR Scandinavie. Odin quant à lui se domina, demanda à l’accueil, devant une dame effarée, à voir immédiatement M. Lasström.

-          Vous avez rendez-vous ?

-          Oui, mentit Odin. Il m’a prié de venir. Avec mon fils que voici.

La dégaine de Thor était impressionnante : il était tout en muscles, et avait le regard  bleu, fier d’un guerrier viking. La femme déglutit, et leur indiqua le bureau du directeur. Une fois entré, Thor faillit défoncer la porte pour ouvrir.

-          Du doigté, fiston. Comme ça.

Et Odin frappa. Une voix leur dit d’entrer, ce qu’ils firent.

-          Qui… qui êtes-vous ?

Odin et Thor se regardèrent.

-          La sauvegarde de la forêt suédoise ! tonnèrent-ils en chœur. Et vous allez construire des stades olympiques ailleurs que dans les espaces protégés ! ajouta Odin sur le même ton.

-          De quel droit ? Qu’est-ce que c’est que ces deux rigolos ?!

M. Lasström allait décrocher son téléphone, mais Thor l’en empêcha, lui broyant le poignet et le cinglant du regard.

- Attendez de tâter de mon marteau, si vous nous traitez encore de rigolos ! Est-ce que nous avons l’air de rigoler ?

- Et cessez le massacre de cette forêt !

Odin était rouge de colère.

-          Du doigté, Père, rappela Thor avec malice, et il caressa Mjöllnir, à sa ceinture.

-          Je t’en prie, vas-y.

-          Lâchez-moi !

-          Jurez ! Jurez que vous ne toucherez pas à notre forêt ! Et que perdure tout ce que la tradition scandinave a apporté !

-          Lâchez-moi !

-          Jurez ! ordonna Odin. Voyez-vous ce marteau ? Ça ne vous rappelle rien ? Allez Thor, sors-le de ta ceinture…

-          Thor ? fit M. Lasström.

-          Nous existons ! Nous existons encore ! clama Odin. Et nous vaincrons !

Thor lâcha sa proie, brandit Mjöllnir. Alors la rage divine, la magie se déchainèrent. Le tonnerre gronda, le marteau s’illumina, et M. Lasström retomba sur son siège. Il avait le poignet brisé, grimaçait de douleur. Sur ce, la porte s’ouvrit.

-          Que se… commença Thor, et ses yeux s’exorbitèrent en voyant l’arrivante, une très belle femme vêtue à l’ancienne. Freyja ?

-          Mais que fais-tu là ? demanda Odin, très surpris.

-          Vous avez agi comme je l’espérais. Alors, peut-on revenir apporter l’amour, maintenant ? demanda la déesse de l’amour d’une voix douce, caressant le chat blanc lové sur ses épaules.

 

© Claire M., 2015

 

 

 

 

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