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l'imagination au pouvoir
22 janvier 2021

Ancienne légende

Les rescapés de l’Atlantide.

 

« Ecoutez-moi, ô Mortels… J’ai tant de choses à vous conter, tant de choses en mon sein… J’ai englouti bien des hommes, même des hommes-dieux, mais l’histoire à laquelle je pense, vous ne la connaissez qu’à moitié… Je suis la reine des flots, moi, Téthys, mais le croirez-vous ? Je peux aussi parler d’êtres qui, à présent, n’aiment pas l’eau. Voulez-vous savoir pourquoi ? Oui ? Alors laissez-moi vous raconter cette légende… »

 

Atlas régnait depuis bien longtemps, sur sa mythique Atlantide, et jusque là, tout s’était bien passé. En tant que fils de Poséidon, il était considéré comme un demi-dieu, et n’en était pas peu fier. Il était bien entouré, mais écoutait, souvent amusé de leurs différences, ses chats, qui étaient venus d’Egypte pour le seconder. A cette époque, ceux-ci étaient doués de parole, mais n’abusaient pas de ce pouvoir. De même, les chats se sentaient connectés à tous les dieux de tous les panthéons, aussi les tenait-on pour fort sages, étant de ce fait leurs intermédiaires. Atlas avait ainsi commencé par régner sous les meilleurs auspices, avait fait construire, aménager l’Atlantide de la plus belle façon qui soit. Mais, les années, les décennies passant, il prenait de plus en plus de libertés dans son exercice du pouvoir. Cela fit tiquer autour de lui : il commença à s’emporter auprès de ses conseillers les plus directs qui le lui faisaient remarquer.

-          Ne soyez pas ainsi, Altesse. Après tout, vous êtes là depuis si longtemps…

-          Que voulez-vous dire ?! fit Atlas, piqué au vif par cette remarque, et il se redressa de toute sa hauteur.

Les Atlantes étaient très grands, certes, mais Atlas était de loin le plus grand, frôlant les deux mètres cinquante. Quand il se redressait, ses longs cheveux couleur de l’écume ondulaient sur son corps parfait, ce qui le rendait encore plus impressionnant. Alors les conseillers se regardèrent en avalant leur salive.

-          Vous… vous n’êtes qu’un demi-dieu, dit le Premier conseiller.

-          Si vous êtes venus pour m’insulter, passez directement de l’autre côté de la porte de mon palais, messire !

-          Tout le monde est… tenta un autre conseiller, mais Atlas l’envoya paître lui aussi, et s’assit sur son trône d’or clinquant pour bouder plus à l’aise.

Les conseillers, voyant que leurs insinuations le mettaient de mauvaise humeur à chaque fois, finirent par ne plus rien dire, mais ils étaient inquiets.

-          Zeus, ou même Poséidon, pourrait le prendre mal, alla dire le Premier conseiller au chef des chats. T’ont-ils parlé, dernièrement ?

-          Je ne sais plus… avoua Guptos, un beau chat couleur des sables du pays où il était apparu. Mais je peux leur demander, lors d’une prochaine sieste.

-          Tu m’en parlerais ?

-          Oui, si tu le souhaites. Et si je me souviens de mon rêve, surtout.

-          A moins de faire peur à notre souverain…

-          Allons Aglaïos, rien ne lui fait peur, tu le sais. Zeus est son oncle, il n’en a rien à faire !

-          Et toi, pourrais-tu intervenir ?

-          Je ne suis pas sûr qu’il m’écouterait, mais je veux bien essayer. Cela dit, il faut que j’en parle à mes collègues. Ceux qui ne sont pas obligés de faire la sieste…

-          Vous n’êtes même pas obligés de chasser !

-          Oui, merci pour le poisson !

Aglaïos eut un petit rire.

-          De rien…

-          Veux-tu que j’y aille maintenant ? De toute façon, je n’ai plus sommeil.

-          Ce serait bien, oui.

Mais Guptos n’alla pas tout de suite voir Atlas : il commença par dire à ses congénères de dormir le plus possible, afin d’être plus aisément en contact avec les dieux. Aussi, deux jours et deux nuits passèrent. Enfin, Guptos, à peine plus renseigné (il avait surtout rêvé de son pays des sables…), se décida à voir Atlas. Par précaution, il se fit accompagner par une belle chatte, et par son meilleur ami chat, Baïa et Amon, roux comme lui.

-          Oh ! Mes petits amis ! s’exclama Atlas en les voyant arriver, et il alla caresser Baïa et Amon.

-          Et moi ? fit Guptos.

-          Toi, je pressens que tu as des choses à me dire…

-          En effet, seigneur Atlas. Depuis combien de temps es-tu sur ce trône ?

-          Un certain temps… éluda le roi. Pourquoi ?

-          Quelque chose me dit que les dieux pourraient ne pas voir cela d’un bon œil, essaya de dire Guptos le plus diplomatiquement possible, tandis que Baïa se frottait au maître de céans.

Atlas soupira.

-          Les dieux... de toute façon, si je ne le suis pas déjà, je le deviendrai. Je suis le fils de Poséidon, tout de même !

-          Fais attention, avec tes prérogatives, insinua Amon, occupé au même jeu que Baïa.

-          Mouais ! Vous me rappelez mes conseillers !

-          Oh, nous te disons cela en tout bien tout honneur, reprit Guptos. Ce serait dommage, on est bien, en Atlantide…

-          D’accord. Maintenant viens là, que je te caresse, Guptos… Ce n’est pas Zeus qui t’envoie, des fois ?

-          Pourquoi, qu’as-tu contre Zeus ? minauda Baïa.

-          Ce vieux fou ne me fait pas peur. C’est mon oncle.

-          Tout le monde n’a pas ton sens de la famille, rappela Amon. Regarde les Atrides…

-          Oh, qu’ils aillent au diable, tous ! Je suis heureux avec ma reine, mes enfants et les chats, là !

Le ton était tel, que Guptos préféra ne pas insister, mais il commençait à se dire qu’effectivement, Zeus, voire Poséidon, pourrait en prendre ombrage… Après un bon câlin, les trois chats retournèrent sur leurs couches respectives, quelque peu inquiets. Et cela fut confirmé : au réveil, Baïa alla voir Guptos sans tarder.

-          Zeus est furieux de cette situation, et Poséidon n’est pas loin  de partager son avis… Atlas va trop loin.

Guptos se lissa les moustaches, de plus en plus ennuyé par la situation.

-          Et je dois faire quelque chose, comprit-il.

-          Je ne sais pas ce que Zeus a en tête exactement, mais si Atlas continue ainsi, ça va mal se finir. Que Poséidon intervienne ou non.

-          Tu te souviens ce qu’a dit Atlas, quand nous l’avons vu ? Que nous lui rappelions ses conseillers…

-          En plus, c’est moi qui ai fait ce rêve. Je me sens obligée de lui en référer directement. Et s’il comprend dès qu’il nous voit arriver…

-          Atlas était un très bon roi, jusqu’à ce qu’il devienne mégalo… fit Guptos, de plus en plus contrarié.

-          C’est bien pour ça que je t’en parle.

-          Et Zeus, ton rêve ? Ce n’était pas précis ?

-          Non, mais je sens une menace. Poséidon disait que, en surface ou au fond de l’Atlantique, les Atlantes demeureraient ses enfants.

-          Au fond de l’Atlantique ?!?!

Guptos ouvrit de grands yeux.

-          Zeus allait dans son sens, et c’est tout ce que je peux te dire.

-          Ça me suffit. Allons tout de suite voir Atlas ! On va chercher Thêt, il est persuasif, en général, il devrait pouvoir nous aider à faire passer la pilule…

Mais l’entrevue ne se passa pas comme les chats l’espéraient. Baïa fit preuve de tout son savoir-faire félinien, Thêt de diplomatie, et Guptos était très ennuyé en voyant le tour que prenaient les événements. Il n’avait rien de particulier contre Atlas, il se trouvait bien sur l’Atlantide, mais il pressentait, comprenait qu’une catastrophe pourrait être imminente si le roi ne se reprenait pas. Il essaya de le lui faire comprendre, mais Atlas fut pris d’une telle colère, que les trois chats durent partir en courant.

-          Allez donc ailleurs si ça ne vous plaît pas, espèces de poules mouillées !

En plus, l’injure ne leur plut pas du tout.

-           Méfie-toi de Zeus et de Poséidon ! lança Thêt d’une grosse voix, en quittant Atlas.

Mais ce dernier eut un rire comme fou, et les chats filèrent dans leurs appartements. Baïa en tremblait encore, se reprit en entamant une toilette. Guptos et Thêt se regardèrent.

-          On n’est pas loin de l’hubris, déclara Guptos au bout d’un moment. Et ça ne présage rien de bon. Si je dors, peut-être les dieux m’éclaireront-ils...

-          Dans ce cas, le temps de remettre de l’ordre dans mes poils, je vais en faire autant, fit Thêt. Et toi, Baïa ?

La chatte, surprise, en laissa une patte en l’air.

-          Hum, quoi ?

-          Il faudrait qu’on dorme.

-          Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, Thêt, je suis occupée... je dormirai après.

-          Ça ne fait rien, tu as bien travaillé, lui dit gentiment Guptos.

-          Merci…

Quelques heures passèrent, et tout à coup, Guptos se réveilla en sursaut.

-          Nom de nom ! J’ai rêvé que des poissons me chatouillaient le museau ! Qu’ils prenaient leur revanche sur nous !

-          Et alors ? grommela Thêt en s’étirant, ayant été réveillé brutalement.

-          Ça veut probablement dire que l’Atlantide va disparaître dans l’Atlantique, Thêt !

-          Oh, miaou à la fin ! Et on fait quoi ?

-          Déjà, as-tu rêvé de quelque chose d’intéressant ?

-          Euh…

Thêt dut se creuser la tête, répondit enfin :

-          Je ne m’en souviens pas.

-          Mrâou ! J’espère que Baïa aura rêvé…

-          Elle est en train de le faire, regarde ses moustaches… Taisons-nous, et attendons un peu.

Cinq minutes plus tard, Baïa se réveilla en criant :

-          Tous à l’eau !

Puis :

-          Par tous les dieux, mais que se passe-t-il ? fit-elle encore, s’apercevant qu’elle était réveillée.

Guptos et Thêt la regardaient, quelque peu anxieux.

-          Je crois que tu as rêvé, fit doucement Guptos. Raconte-nous.

-          Zeus et Poséidon se sont fâchés. Zeus surtout. Ils parlaient de l’eau, du ciel, de l’océan…

-          Et moi, alors, les poissons qui me chatouillaient…

-          Ça va mal se finir, déclara Baïa. Il faut qu’on revoie Atlas.

-          Il va être furieux, prédit Thêt.

-          Tant pis, on y va. Baïa a raison.

Mais la réaction d’Atlas fut encore pire que la fois précédente.

-          Je me fiche des dieux, de Zeus ! Je reste ici, entendez-vous ! tonna-t-il.

-          Zeus va l’entendre, glissa Aglaïos aux autres conseillers, l’entendant jurer depuis la pièce à côté.

-          C’est mal parti, cette histoire, fit un conseiller. Y a-t-il d’autres chats qui savent ?

-          Oui, Amon, répondit Aglaïos. Je vais le chercher.

Amon dit ce qu’il savait, mais cela ne suffisait pas. Aglaïos et les conseillers guettèrent la fin de l’entrevue entre Atlas et les autres chats, puis risquèrent un regard.

-          Que faites-vous là ? lança Atlas, très énervé.

-          Nous voulions voir Guptos, répondit Aglaïos, dans ses petits souliers.

-          Il ne raconte que des sornettes.

-          Je n’en suis pas sûr, votre Altesse. Manifestement, vous êtes dans l’hubris.

-          C’est très grec, fit Atlas, prenant un air pincé. Et le pire n’est jamais sûr.

-          Tu ne te rends pas compte, intervint Guptos d’une voix douce. Tu es en train d’insulter les dieux depuis tout à l’heure.

-          Dehors ! Tous ! Fichez-moi le camp ! fut la réaction d’Atlas, à ces mots.

-          Tu ne vas rien comprendre à ce qui t’arrive, prédit encore Thêt.

-          Eh bien soit ! On va tous mourir !

Aglaïos et les conseillers déglutirent.

-          Comment ? demanda l’un d’eux.

-          Par noyade, répondit Guptos. Il faut fuir avant que l’Atlantide ne soit engloutie. Avertissez la population ! Et vite !

Atlas eut un rire fou.

-          Je suis immortel !

-          Il a perdu la raison, conclurent ses conseillers, et Aglaïos prit lui-même les mesures qui s’imposaient.

Bientôt, le palais fut en ébullition. Et, sur les plages, les flots se mirent à moutonner. Le ciel commençait à s’obscurcir. Aglaïos exposa très vite la situation aux habitants de l’Atlantide. Aussitôt, tous filèrent dans les ports. Tous les chats du palais, de l’île, affluèrent aussi. L’océan grossissait à mesure que le ciel s’assombrissait et, tout à coup, le tonnerre de Zeus se mit à gronder.

-          Allons aux colonnes d’Héraclès ! fit la rumeur. Réquisitionnons tous les bateaux !

Clairement, c’était la débandade, toute l’Atlantide prenait peur. Les habitants détachaient toutes les embarcations de leurs amarres, sautaient à l’intérieur. Les chats contemplaient le spectacle, des jetées.

-          Venez ! leur crièrent les femmes.

-          Nous ? fit un chat.

-          L’heure est grave, leur dit Guptos, pas tranquille. Je n’ai pas envie de me faire taquiner par les poissons !

Et il bondit le premier dans une petite barque, évitant de peu une vague qui aurait pu l’engloutir. Tous les chats suivirent son exemple, Baïa sautant à sa suite. L’océan se faisait de plus en plus gros, Zeus tonnait encore et encore, et tout à coup, le déluge s’abattit. Les fuyards attrapaient les autres encore sur terre, hommes, femmes, enfants et chats. A présent, l’océan se déchaînait, et les hommes se mirent à ramer de toutes leurs forces.

-          Vers la terre !

-          Les colonnes d’Héraclès ! Il faut que nous passions les colonnes d’Héraclès !

Quelques embarcations chavirèrent, les hommes faisaient tout pour s’y raccrocher, certains avec des chats de plus en plus apeurés dans les bras. Tous criaient, les enfants pleuraient, les chats n’avaient jamais tant miaulé. Amon faillit y passer pour de bon, Guptos brailla pour qu’on le sauve.

-          Ma v… par tous les dieux ! Am… Miaou ! Miaou, miaou !

-          Que se passe-t… miaou !

Baïa, complètement apeurée, ne trouvait plus ses mots.

-          Guptos ! fut la dernière parole intelligible qu’elle put prononcer. Guptos !

-          Mi amour… lui dit-il, et cela devint un simple « miaou ».

Triste, apeuré, croyant comprendre que la fin était proche, il se rapprocha de Baïa.

-          Miaou…

Mais, en lui, sa voix s’exprimait, et lui disait :

-          Il y a trop d’eau… Il y a trop d’eau… Il faut aller sur la terre ferme !

Alors, comme il put, aidé par les autres chats, qui avaient encore plus peur que lui, en ronronnant aussi, ils firent comprendre aux Atlantes de viser la terre la plus proche, l’Atlantide ayant déjà disparu sous les flots, entrainant avec elle son roi devenu fou avec sa famille. Cette terre fut celle de Lusitanie, ce qui explique d’ailleurs la vocation de ses futurs habitants, Atlantes et autochtones, pour les voyages sur l’Océan.

-          Miaou ! Miaou miaou ! faisaient lamentablement les chats, une fois sur la terre ferme.

-          C’est la faute de toute cette eau… continuait leurs voix en eux, à jamais perdues, et ils en voulurent, non à Atlas, non à Zeus ni même à Poséidon, mais à toute cette eau dans laquelle ils avaient failli mourir.

 

« Et voilà pourquoi, ô Mortels, tous les chats ont si peur de l’eau, pourquoi nous avons l’impression que, quelquefois, ils semblent nous parler d’homme à homme. Mais, vous savez, les chats peuvent être les égaux des dieux, ce que sentent tous les poètes, tous ceux qui aiment ces petits êtres qui, l’air de rien, ont tout fait, et font encore, pour les hommes… »

 

© Claire M., 2020

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  • Entrez donc dans l'un des royaumes de l'imagination, la mienne, où vous croiserez êtres fantastiques, âmes en peine, beaucoup de chats... Vous pourrez y trouver d'autres aventures, ou jouer avec moi, les mots... Le continent des lettres est si vaste !
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