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l'imagination au pouvoir
28 novembre 2020

Qui est le phénix ?

L’oiseau de feu.

 

Le petit œuf craqua, se fendilla. En-dessous, le nid semblait du feu. La mère oiseau, comme les aigles, l’avait fait au plus haut d’une falaise. Elle regarda son œuf éclore, la crête orange-rouge apparut. Enfin, son rejeton se levait, tout doucement, défroissant ses petites ailes, d’un jaune – orange vif. Il se débarrassa bien vite de sa coquille, qui tomba des mètres et des mètres plus bas, dans les entrailles de la Terre. Et le petit leva la tête, puis alla se blottir contre sa maman. Au loin, le père arrivait, d’un vol gracieux dans les courants descendants du ciel. Son sixième sens l’avait instruit de la naissance de son fils, et il lui apportait de quoi manger ainsi qu’à sa compagne. Le petit commença vite à grandir, puis apprit tout doucement à voler. Son vol était, au début, très hésitant, et la falaise était abrupte. Il avait peur.

-          Tu ne crains rien, lui dit sa mère. Si tu tombes, tu renaîtras. Et tu auras appris de ta vie précédente et de ta chute.

-          Vraiment, maman ?

-          Je te le promets. Nous avons une forme d’immortalité. Mais tu es jeune, tu comprendras au fur et à mesure. Allez, ouvre grand tes ailes.

Alors le petit s’enhardit. Pour le rassurer davantage, sa mère volait en-dessous de lui, afin de le récupérer s’il tombait. Tout doucement, le petit oiseau apprenait, prenait des forces. Le père pourvoyait à la nourriture de la famille, et quelquefois la mère prenait le relais. De plus en plus, les rôles s’inversaient et enfin, quand l’oiseau atteignit sa taille adulte, son père lui dit de voler de par le monde, qu’il n’avait plus besoin d’eux.

-          Et je pourrai vous retrouver ? demanda timidement le petit oiseau.

-          Si tu veux, répondit son père. Mais il te faudra rentrer dans la Terre, là où nos pareils vivent. Tu sais au fond de toi où se trouve notre fleuve  sacré.

-          Merci papa.

-          Allez, va mon fils. Tu as encore beaucoup de choses à apprendre. Parcours le monde. Tu verras beaucoup de choses étonnantes.

Le petit donna un coup de bec affectueux à son père, et ce dernier lui lissa le plumage en réponse. Peu après, le petit déploya ses ailes, chercha un courant ascendant, comme ses parents lui avaient montré, et disparut dans le ciel.

Le petit survola bien des pays, se posant régulièrement, observant beaucoup. Les hommes l’intriguèrent très vite. Mais son plumage de feu faisait peur. Quand il s’approchait d’eux, les gens s’écartaient. Il voyait des maisons, des fenêtres ; des arbres, dans les jardins, où se poser. Il voyait des gens dormir sur des bancs, d’autres qui regardaient constamment leur poignet dans la rue, d’autres encore qui badaient. Tout cela dura un certain temps. L’oiseau se demandait pourquoi il faisait peur : ses parents lui avaient sans cesse répété qu’il était le plus beau. Cela le rendait triste. Quelquefois, il pleurait des larmes de feu au-dessus des cheminées – ce qui d’ailleurs ravivait les feux en plein hiver, réchauffant ainsi les hommes. Mais  il ne se fit pas d’amis. Il faisait peur même aux autres oiseaux, semblait être le seul de son espèce. Au bout d’un moment, il chercha ses semblables, et retourna où il était né. A cet endroit, une petite ville avait été construite. L’oiseau ne s’y reconnaissait plus.

Déçu, il volait dans les alentours des maisons, et enfin, un soir, il vit une lumière, seule, derrière une fenêtre ouverte. Il eut envie de se poser, attiré par la lumière. Il alla se mettre sur le rebord de la fenêtre. Il y vit un homme, stylo à la main, se tenant la tête de l’autre, assis à un bureau. L’homme ne le vit pas, ne semblait même pas sentir sa présence. Cela étonna l’oiseau. La nuit était fraîche. Il n’osait pas entrer, prononça un discret « excusez-moi ». L’homme sursauta, se tourna vers lui.

-          Oh ! Quel bel oiseau !

L’animal eut un mouvement de recul. Il pensait qu’il allait de nouveau faire peur. Mais l’homme face à lui était écrivain ; or, les écrivains ne s’étonnent de rien, pas même des oiseaux de feu qui parlent. Et l’homme se leva de son bureau, avança une main.

-          Ne me touchez pas ! Je suis un oiseau de feu, je vais vous brûler !

-          Mais pas du tout ! Je vais imaginer que vous ne brûlez pas.

Et la main de l’homme se posa sur le corps de l’oiseau. L’imagination le rendit doux au toucher. Soulagé, l’oiseau donna un petit coup de bec sur la main de l’écrivain.

-          Là… Veux-tu rester avec moi ?

-          Oui. Je cherche un ami.

-          Et moi, l’inspiration. Raconte-moi tes histoires, mon bel oiseau de feu. Entre. Que manges-tu ?

-          Des fruits. Des graines.

-          J’ai ce qu’il te faut.

Et l’oiseau s’installa chez l’écrivain. Il pouvait aller et venir, car l’écrivain avait compris tout de suite que l’oiseau de feu, comme son imagination, avait besoin de liberté. Et l’homme et l’oiseau devinrent amis. Soutenu par son oiseau de feu, l’écrivain put retrouver l’inspiration.

Un soir, l’homme revint de chez un ami, un gros paquet sous le bras. Il le jeta sur le bureau, dans un mouvement d’humeur.

-          Je ne sais plus écrire ! Je ne suis plus bon à rien ! Mon éditeur n’en voudra jamais !

L’oiseau apparut.

-          Mais non ! Tu as su me recueillir, tu as beaucoup de qualités. Nous sommes bien, tous les deux. Ne te démonte pas. Qu’est-ce qui ne va pas, dans ton manuscrit ?

L’écrivain soupira.

-          L’inspiration y est. Mais la forme ne vaut rien. Je me suis trop emballé sur ce sujet.

-          Ce n’est pas grave.

Et l’oiseau prit une grande inspiration.

-          Donne-moi ce manuscrit. Et ouvre la fenêtre.

Tous deux avaient un peu peur : l’écrivain pour son manuscrit, l’oiseau pour son immortalité. Mais l’écrivain eut le courage d’ouvrir la fenêtre, et l’oiseau prit le manuscrit dans son bec. Puis il franchit la fenêtre, et s’embrasa.

-          Oiseau de feu ! s’exclama l’homme. Mon oiseau de feu !

Et il fondit en larmes. L’oiseau brûlait dans le ciel nocturne, avec le manuscrit entre les pattes. L’écrivain s’écroula par terre, de douleur pour son oiseau, et pour ce manuscrit auquel il avait cru grâce à son ami. Cependant, l’animal essayait de garder une attache à l’appartement. Il balançait d’une aile,, tout en brûlant, les pages du manuscrit dans l’appartement. Celles-ci, de carbonisées, redevenaient blanches, avec leurs caractères imprimés.

Il brûla toute la nuit. Enfin l’oiseau devint noir, et tout se calma d’un coup. L’écrivain alors se redressa.

-          Oiseau de feu ! Oiseau de feu !

Il pleurait. Il prit la boule noire qui avait été son animal familier.

-          Mon oiseau !

Alors, la boule craqua, se fendilla. La crête orange-rouge apparut. Puis le corps, plus fort encore qu’avant. Le jaune-rouge vif des ailes de l’oiseau se déploya. Le phénix sortit de sa boule. Une larme de feu tomba sur la main de l’homme, la brûlant du même coup.

-          Ton manuscrit est réécrit.

-          Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas possible !

-          On meurt et on renaît. Ce sont mes parents qui me l’ont appris. Tu es mort hier soir et tu vas renaître ce matin. Va voir ton éditeur  avec ce manuscrit.

-          Attends…

Insensible à la brûlure sur sa main, l’homme caressait l’oiseau. L’écrivain se sentait tout petit.

-          Je veux le relire. Reste avec moi.

Et l’oiseau le veilla toute la journée. Il lui dit de soigner sa main, et l’homme obéit. Il était très marqué par la nuit qu’il venait de passer. Le phénix resta encore, attendit le verdict de l’éditeur. Comme ce fut positif, l’écrivain fut tout à fait rassuré, reprit confiance. Plus tard, cette œuvre devait être reconnue partout dans le monde. Le phénix pouvait repartir vers d’autres cieux, vivre et mourir pour d’autres créations. Il pourrait revoir ses parents, le jour où il voudrait chercher son fleuve sacré. Mais pour l’heure, il lui plaît d’aider les hommes dont la petite lumière vacille…

 

© Claire M., 2015

 

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